Léonard Deane a inventé le potimarara, l’indispensable embarcation polynésienne. Après des années passées à Tahiti, il coule des jours heureux sur son île à Tubuai. Les nouvelles générations de pêcheurs le connaissent bien et aiment à échanger avec lui sur les quais.

Le potimarara a ceci de particulier qu’il permet aux pêcheurs de traquer les prises tout en restant aux commandes. Une invention remarquable qui a séduit des milliers de Polynésiens. Son « père », Léonard Deane était lui-même un pêcheur de marara. Le terme potimarara est composé de deux mots tahitiens, « poti » qui signifie bateau et « marara » qui veut dire poisson volant. Léonard
Dean a commencé comme pêcheur de poissons volants. « J’allais avec mon père et mon oncle, on partait à la nuit tombée pour trois ou quatre heures. On s’installait sur une pirogue avec, à l’avant, le pêcheur et son épuisette, à l’arrière, le pilote. » Pour éclairer l’équipage et l’activité, le pêcheur portait un flambeau de palmes de cocotier. À l’arrière, le pilote devait suivre les indications et réagir le plus rapidement possible. Sans quoi les marara plongeaient et l’épuisette remontait à vide.
« Il était fier »
Léonard Deane, avait 13 ou 14 ans quand il accompagnait son père et son oncle. Il montra rapidement une certaine agilité à la pêche. En grandissant, il prit ses distances. Formant lui-même des pilotes. « Il était fier », rapporte son fils Coco. « Il ne supportait pas de rentrer avec moins de poissons que les autres. Donc il ne partait en mer qu’avec des pilotes aguerris et réactifs. » Lesquels devaient, en plus, être conciliants. « Mon père était très exigent et n’avait pas toujours le tact qu’il fallait. Il a fini par se retrouver seul, sans pilote. Plus personne ne voulait partir avec lui. »
Avant même la désertion des pilotes, Léonard Deane rêvait d’un bateau qu’il pourrait manoeuvrer seul. Mis devant le fait accompli, il transforma son rêve en réalité. Il avait moins de 30 ans. Il installa une caisse à l’avant d’un petit bateau à moteur de façon à pouvoir rester debout. Il construisit une rallonge en bambou pour garder la main sur l’accélérateur. Enfin, il installa un poteau à l’avant avec des câbles et des poulies rejoignant le moteur pour pouvoir aller à tribord ou bâbords. L’invention fit sensation.
Un concessionnaire de moteurs installé à Tahiti le contacta pour des commandes de bateaux. Des pêcheurs réclamèrent eux aussi leur potimarara. « À cette époque, on l’a encouragé à breveter son invention mais il n’a rien écouté. En fait, il pensait que les jeunes générations de pêcheurs se détourneraient de cette technique à l’épuisette, de nuit », rapporte Coco. C’était sans compter l’inventivité des professionnels de la mer et du poisson.
Les commandes redoublèrent
« L’un d’entre eux découvrit que le mahi mahi, coursé et épuisé, restait en surface et qu’on pouvait le harponner en pleine mer. Le bateau de mon père, agile et rapide, était idéal pour ça. » Les commandes de potimarara redoublèrent.
Léonard croula sous les demandes. D’autres constructeurs ouvrirent leur entreprise pour répondre à la demande. Le potimarara devint le bateau de pêche des Polynésiens. Au fil du temps, ses fonctions se diversifièrent : transport d’hommes et de marchandises, déplacement entre les îles… Par exemple : « les pensions de famille partent avec des touristes à bord jusqu’à l’aéroport ou une île voisine et si, au retour, elles croisent du poisson, elles pêchent ».
Son inventeur garde toujours une certaine reconnaissance. Ses deux fils Georges et Coco sont eux aussi pêcheurs et constructeurs de potimarara. Le premier a opté pour le bois, le second pour le polyesther. Sur le territoire, une cinquante de bateaux de 16 à 22 pieds sont livrés chaque année.