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Manger local : « il reste tant à faire » !

Jason Man s’est lancé un défi : composer chaque repas de chaque jour du mois de mai de produits exclusivement végétaux et locaux. Cette démarche reste difficilement tenable sur le long terme en raison, notamment, d’une richesse agricole encore faible et surtout d’une faiblesse du secteur de la transformation agricole.



Il a relevé et tenu son pari : manger végétal et local pendant un mois. Jason Man est heureux d’avoir réussi et d’avoir prouver que cela était possible. Toutefois, l’expérience a mis le doigt sur un certain nombre de problématiques. L’insuffisance alimentaire est encore loin.


Depuis cinq ans, Jason Man est végan.

Il reconnait avoir mangé de temps en temps des œufs pour « ne pas gaspiller », mais au quotidien il ne consomme aucun produit d’origine animale. Il évalue sa consommation moyenne de produits locaux à 60% environ, privilégiant les tubercules, les feuilles, les fruits et légumes qu’il trouve tous les dimanches au marché de Papeete. Il a l’habitude de faire un complément en se rendant à l’Épicerie de Tahiti. Là-bas, il se procure des légumes secs, (lentilles, pois chiches…), des huiles. Militant écologiste, Jason Man a souhaité manger exclusivement local, dans une démarche de cohérence. Au mois de mai, il a donc fait une croix sur tous les produits importés.


« Je n’avais pas envisagé que cela allait être si compliqué ! Coupler le local au véganisme, cela a même été très dur.»

Il n’avait, en plus de manquer d’huiles ou légumes secs, ni sel, ni poivre, ni oignon, ni ail pour agrémenter ses plats.


Pour constituer ses repas, il a développé des alternatives, « j’ai utilisé l’eau de mer pour saler les plats, par exemple, ou bien de la ciboulail pour remplacer l’ail ». Grand amateur de sauces, il s’est mis à écraser des fe’i, diluées dans un peu d’eau et mélangées à du gingembre pour donner du goût à ses poêlées de légumes. Il a pris conscience de « tout ce qu’il reste à faire ! » Tant dans le développement de cultures plus variées que dans la transformation de produits existants. « Il y a une grande méconnaissance de ce que l’on peut manger tout autour de nous ! Et l’on pourrait transformer tant de choses.»



Il a trouvé des lipides dans l’avocat, a consommé beaucoup d’huile de coco, de lait de coco. Il a découvert des graines comme la noix de Cayenne « délicieuse une fois grillée » ! Il a développé plusieurs recettes, « c’est dans la galère que tu apprends », rappelle-t-il. Lorsqu’au bout de quelques jours il avait besoin de nouvelles saveurs, il repartait dans ce qu’il a appelé la « R&D ». Pour ce faire, il a trouvé de l’aide en ligne mais… ailleurs. Il a trouvé des recettes provenant d’Afrique, d’Asie, de Nouvelle-Calédonie. « Rien venant d’ici ! Ce qui est quand même dommage. »


Il assure ne pas avoir eu le temps de tout explorer, il n’a pas encore fait le tour, « j’aurais par exemple aimé faire des farines pour pouvoir cuisiner des galettes et autres ». Il insiste par ailleurs sur la difficulté d’allier véganisme et consommation locale « car pour ceux qui mangent des œufs, du poisson, de la viande, manger local est vraiment possible du point de vu nutritionnel, financier, de la santé et du goût ! ».



Au cours du mois de mai, il a mangé à quelques reprises dans des snacks avec des amis mais n’a jamais trouvé un seul plat exclusivement local, « preuve que même le ma’a Tahiti que j’apprécie particulièrement, n’est pas local ! » Selon lui, il y a un énorme travail « de reconnexion avec notre ma’a à entreprendre. »


Ce projet est un point de départ. Il a pu estimer le coût de son investissement. À lui seul, il compte un budget de 7 000 Fcfp par semaine. « Et encore, je suis un gros mangeur et je n’avais pas un très grand fa’a’apu ! Je n’avais pas cette année planté de pois d’angole par exemple. Ce sont des pois qui peuvent remplacer les lentilles ou pois chiches ». Il a démarré l’expérience en passant près de deux heures en cuisine. « Parfois, au début, je me rappelle être resté un quart d’heure devant ma récolte de légumes pour avoir ce que j’allais en faire. » En fin d’expérience, les habitudes venant, il ne passait plus qu’une heure en cuisine. Telles sont les bases chiffrés qu’il entend utiliser pour sensibiliser les proches et moins proches.


À l’issue de son expérience, Jason Man a pris rendez-vous avec son médecin, fait une prise de sang. Il n’a aucune carence à signaler « même si, je le concède, un mois c’est un peu juste pour en tirer des conclusions ». Il s’est penché sur d’autres indicateurs comme le poids, « j’ai perdu moins d’un kilo », ou bien les performances sportives. « J’ai continué à faire des randonnées d’une journée en plus sans difficultés ». Il envisage, avec un peu de préparation cette fois et notamment la mise en culture de diverses plantes, de renouveler l’expérience sur un temps plus long, aux alentours de six mois. « On va devoir réduire nos importations à coup sûr », prévient-il. D’une part parce que le pétrole finira par manquer et d’autre part parce que l’émission de gaz à effet de serre sera devenue intolérable. « Autant commencer maintenant, avant la crise ». Il a ouvert une page Facebook, va poursuivre sa mission de sensibilisation et espère, un jour, pouvoir signer un livre de recettes locales et végétales. « Sur les réseaux sociaux j’ai reçu beaucoup d‘encouragements, j’ai constaté que les gens étaient prêts à manger local, qu’ils veulent manger plus sainement. » Reste à passer à la pratique.


" J’ai continué à faire des randonnées d’une journée ou plus sans difficultés"



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