Warren Buffet en 2011, scindait le monde économique en deux camps : « Si vous avez la capacité d'augmenter vos prix sans perdre de flux d'affaires face à vos concurrents, vous avez un très bon business. Si vous devez faire une prière avant d'augmenter un prix de 10%, vous avez un très mauvais business ». Ce pouvoir du prix, pricing power en anglais, fait partie des stratégies d’entreprise qui défendent leurs produits.
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Un exemple ?
Un des plus grands domaines de Meursault, Coche-Dury a vu la passation des affaires entre le père et le fils il y a quelques années. Du jour au lendemain, les tarifs des vins ont été largement augmentés, voire doublés, sans qu’aucun client ne tique, bien au contraire : la liste d’attente des allocataires de ce domaine est interminable. C’est la même chose avec Louboutin, Pétrus, Hermès…
Un contre-exemple ? Nos bijoutiers qui sont très souvent dans la logique des 4 P et qui travaillent à coups de réductions, de promotions, de baisse des prix. La perle n’impose pas son prix sur le marché : sauf rares belles pièces (top gem), elle se le fait imposer par les acheteurs (enchères notamment). En termes de pricing money, le vin de Bourgogne est un excellent business, la perle une catastrophe. Or, comprendre le pricing money est aussi une façon de repenser son entreprise, ses valeurs, ses processus, son positionnement, et d’évoluer dans le bon sens.
Les consommateurs du 21e siècle sont connectés, informés, infidèles : les entreprises sont donc contraintes d’assurer une information régulière, claire, séduisante, tout en composant avec la volatilité du marché, des incertitudes croissantes et l’infidélité potentielle des clients.
Tout cela réduit la visibilité des entreprises, avec une crise comme le Covid, dans des proportions inédites. Jusqu’à, parfois, naviguer à vue, dans une posture défensive souvent inédite. Pour la perle de Tahiti, 2020 fut une année noire sur le plan internationale, sans aucune visibilité de retour à la normale. Pour certains économistes, on parle même d’une « nouvelle normalité » post covid, qui repose sur une montée en gamme, une montée en puissance, une capacité nouvelle d’innovation, une nouvelle compétitivité/ prix. Sous peine de sombrer, sous les coups d’une conjoncture imprévisible et les coups inattendus de nouveaux venus sur le marché, qui maîtrisent mieux ces fondamentaux et les appliquent à la lettre, au point de « faire le marché ».
Dans ce contexte, la question du pouvoir du tarif, pricing power, doit pénétrer, pour certains économistes, au coeur du modèle économique et définir la stratégie d’entreprise en même temps que leur vision prospective (anticiper l’avenir).
BOUTEILLE DE BOURGOGNE BLANC CORTON-CHARLEMAGNE DU VIGNERON COCHE-DURY. CHAQUE BOUTEILLE EST NUMÉROTÉE. LES PRIX SONT FIXÉS PAR LE VIGNERON. LES CLIENTS SONT ALLOCATAIRES, SUR LISTE D’ATTENTE PARFOIS ET LES QUANTITÉS VENDUES DÉFINIES ANNUELLEMENT PAR LE VIGNERON.
Or, savoir définir son prix de vente repose sur plusieurs principes :
• Une stratégie de différenciation positive : qu’est-ce qui fait que la perle de Tahiti est mieux, différente positivement de ses concurrentes et, à ce titre, peut (doit) valoir plus cher que les autres perles ?
• Un rapport de force favorable aux clients, mais surtout à l’entreprise : la R&D, la logistique irréprochable, la production remarquable (RSE, etc.), le marketing efficace, vont bénéficier d’une impulsion de la direction générale de l’entreprise et se révéler payantes à tous les étages de l’entreprise, jusqu’à la perception du client final. Car augmenter son prix doit être fait dans la mesure où l’on peut s’assurer de la capacité des consommateurs à l’accepter. Pour cela, il faut leur prouver qu’il est justifié. C’est ce que fait Ferrari depuis des années : une marge opérationnelle de 25%, des véhicules à plus d’1 M d’euros, des mois de liste d’attente et des clients toujours plus nombreux. C’est la même chose pour la Romanée Conti, Pétrus. Ce fut la même chose en 1986 pour la perle de Tahiti… sauf que rien ne reposait sur une stratégie fondamentale, juste un hasard conjoncturel.
• Les économistes évaluent à 3% les entreprises européennes capables de maîtriser durablement leur positionnement tarifaire sur leur marché. D’où la nécessité pour l’entreprise de mettre en place de nouvelles grilles de lecture, pour ses salariés, ses acteurs, ses prestataires, jusqu’au consommateur final.
En résumé, le pricing power est la capacité qu'ont certaines entreprises à imposer leurs prix sur leur marché. Celle-ci découle d'avantages aussi divers que la reconnaissance d'une marque, un savoir-faire unique, un brevet incontournable ou plus généralement, la capacité d'ériger des barrières à l'entrée difficilement surmontables par les concurrents, le tout englobé dans un sentiment d’exclusivité.
C’est ce que fait si bien le marketing diamantaire.
En amont d’un pricing money assume, l’entreprise s’assure de ses activités protège ses marges, notamment à l’abri de chocs exogènes (crises conjoncturelles extérieures) ; son management est stable et à l’abri de tempêtes internes.
Usine Ferrari. Les tarifs de ces véhicules de prestige sont supérieurs à un million d'euros et les acquéreurs se comptent en milliers.
Pour y parvenir, les économiques recommandent une approche résolument bottom Up (approche microéconomique), où sont privilégiés la stratégie des entreprises, leur positionnement, la vision de leurs dirigeants et l'adéquation de leur modèle aux défis socio-économiques.
Ce modèle, qui repose sur une fine analyse stratégique des valeurs d’une société, d’une marque, d’un produit (perçu comme exclusif et rare), est tout à fait adapté à la perle de Tahiti, à la vanille de Tahiti, à certains produits d’excellence du fenua. Encore faudra-t-il que les fondamentaux nécessaires aux pricing money précèdent cette volonté d’imposer un prix au marché. Ce n’est pas impossible, mais les conditions ne sont pas toujours réunies pour cela. Il n’est cependant jamais trop tard.
Vous souhaitez en savoir plus ?
Dossier à retrouver dans votre magazine Investir à Tahiti #8
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