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L’après COVID-19

Investir à Tahiti n°05 - Juin / juillet / août 2020 -


" Une peste terrible vint fondre sur les peuples de l'Orient et de l'Occident ; elle maltraita cruellement les nations, emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation. […] Elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu'ils étaient menacés d'une destruction complète.

La culture des terres s'arrêta, faute d'hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s'effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea d'aspect."


Ces mots d’Ibn Khaldoun (1332-1406), alors que la grande peste de 1348 avait sévi dans l’ancien monde, résonnent d’une étrange actualité.

Nous avions à peine quitté la saison cyclonique – le vent frais du début de soirée nous rappelait à cette réalité – quand, sans sommations, nous sommes entrés dans l’œil d’un cyclone pire encore que ceux qui ont ravagé la Polynésie en 1983 : d’abord sanitaire, ce cyclone est venu impacter de plein fouet notre économie, qui depuis 2017 affichait fièrement sa santé retrouvée, avec 2,5% de croissance annuelle.


Le coronavirus a stoppé l’activité en Polynésie d’un coup, comme un coureur de fond à la foulée régulière et qui d’un coup trébuche. Dans ce numéro spécial, nous sommes revenus sur les différentes étapes qui ont marqué, jour après jour, notre environnement, notre société dans son ensemble, notre économie. Se pose désormais la question de l’après : comment rebondir, avec quels outils, “ quelles armes ”, s’il faut reprendre le vocabulaire guerrier qui a servi de champ lexical aux gouvernants depuis février dernier ? Saura-t-on rebondir alors que notre économie sous perfusion des fonds de l’Etat français trouvait dans l’économie touristique un allié de poids qui n’est plus ?

C’est à cette lecture que nous vous convions, avec les analyses de l’économiste Florent Venayre, du président de la CCISM Stéphane Chin Loy, des analystes de Crystal Finance…

Car il y a beaucoup d’inconnues. Les mises en perspective (scénarios qui compilent la plupart des données conjoncturelles liées à la pandémie, au confinement et à l’après), sont fortement limitées, pour une raison simple : nous n’avons aucun recul ni précédent pour juger d’une telle pandémie. La grippe espagnole de 1918 venait après le premier conflit mondial, il fut difficile de séparer les effets de l’un et de l’autre, sinon un surcroît de mortalité.


Les mois à venir seront essentiels pour comprendre les conséquences sanitaires, sociales, géopolitiques, économiques et sociétales de cette pandémie, qui a débouché sur une crise mondiale, effective mais dont nous ne ressentons pas encore, vraiment, les effets.

Il y a pourtant du positif dans cette crise.

Yuval Harari, l’inimitable historien auteur de Sapiens, le confiait dans Le Point du 8 avril dernier : “Nous sommes entrés avec cette crise sanitaire dans un vortex historique. Les lois normales de l’Histoire sont suspendues. Pour quelques semaines, l’impossible est ordinaire. Cela signifie que, d’un côté, nous devons être extrêmement prudents, mais que, de l’autre, nous devons aussi nous autoriser à rêver.”

Stéphane Chin Loy est persuadé des atouts de la Polynésie et des Polynésiens. Cette part de rêve est en nous et la crise sanitaire a révélé le meilleur d’une immense majorité d’entre nous : un engagement sans faille pour autrui, une inventivité qui nous a tous surpris. Il va cependant falloir rassembler nos atouts, retrousser nos manches. 

Enfin, reconnaissons-le : dans nos sociétés où l’on nous fait croire que tout est dû, qu’il semble loin le discours de Kennedy : “ Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays ”.

Or, en métropole comme en Polynésie française, nous sommes chanceux d’avoir notre système de santé, l’Etat et le Pays au-dessus de nos têtes. Les indemnités de solidarité nous ont rappelé notre chance. Tandis qu’il fallait être confiné pour éviter d’attraper le virus qui aurait pu provoquer une hécatombe, que l’économie était à l’arrêt, nous avons reçu une indemnité qui, associée à l’ensemble des autres mesures (report d’échéances bancaires, report de paiement d’impôts, taxes, etc.) a permis aux Polynésiens de supporter une franche baisse de revenus. Certains ont dit que 100 000 F, ce n’était pas beaucoup. Dans le monde, nous faisons partie des 5% de citoyens pour qui leur Etat est intervenu. Ce “ pas beaucoup ” est un sacré privilège.

Alors merci.

Patrick Seurot




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