Texte : Patrick Seurot - Magazine InstanTANE #01 - juin 2018
Nous qui sommes enlacés par Moana, nous devrions (le nouveau gouvernement j’entends) en faire une priorité territoriale : légiférer, accompagner, promouvoir, sanctionner s’il le faut.
Peut-être est-il temps, en ces instants de grâce (les fameux 100 jours après l’élection), de renouveau politique et d’horizon dégagé, d’enterrer les vieilles recettes socio-économiques éculées et de souffler un engagement environnemental inédit pour écrire les plus belles pages de notre Polynésie française.
Or, ils sont en mauvais état, nos océans. Et le plus grand, le nôtre, le Pacifique, ne va pas bien.
Maud Fontenoy, navigatrice que les voileux connaissent bien, est aussi une éditorialiste à la plume bien acérée.
Soucieuse du développement durable, c’est autour de l’environnement qu’elle décoche ses flèches de bon sens. L’une d’elles nous a particulièrement touchés. Il y a quelques mois, écrit-elle, “L'autopsie d’un jeune cétacé de dix mètres et six tonnes a montré que l’animal était mort d'une inflammation de l'estomac. Les scientifiques ont découvert dans son ventre plus de 30kg de déchets, dont un jerrycan, des filets de pêche, ou encore des sacs en plastique.” Nous en avons déjà parlé, de ces déchets en plastique. On vous en reparlera encore, jusqu’à ce qu’ils soient interdits sur le fenua !
Nous sommes 275 000 Polynésiens environ et nous rejetons, hors poubelles domestiques, en moyenne 10 sacs par an chacun dans la nature. Multipliez cela par 7 milliards d’êtres humains. Vous comprenez le phénomène ? C’est l’équivalent en volume d’un million d’épaves de voitures que l’on stockerait dans le lagon de Bora Bora. Sauf que ces plastiques se délitent, deviennent microscopiques. On les voit peu. On finit par ne plus s’en soucier. Pourtant ils sont là : on estime à 5 000 milliards le nombre de morceaux de plastique qui seraient en suspension dans l’océan pacifique ; à plus de 7 millions de tonnes de détritus déversés chaque année dans les mers.
C’est une catastrophe.
Maud Fontenoy a raison de s’alarmer : “Ces 40 dernières années, la population des vertébrés marins a diminué de 49%.” Dommage, quand plus de 22 000 médicaments viennent de là et que, dans une économie comme la nôtre, qui doit se relancer, l’océan sera au cœur de nos richesses futures.
Les Anglais, dont on peut saluer le bon sens, ont décidé de commencer par interdire quelque chose, il y a quelques semaines : des pailles et des touillettes. C’est anecdotique, dit comme cela. Et pourtant, plus de huit milliards de touillettes à café et de pailles en plastique sont jetées chaque année au Royaume-Uni.
Puis ils ont décidé de réinstaurer un système de consigne sur les 13 milliards de bouteilles
en plastique utilisées chaque année par les anglais.
Un bon geste que nos grands-parents faisaient naturellement, et que l’on peut reproduire sur le fenua.
En attendant des révolutions technologiques environnementales qui mettront des années à venir (comme cette enzyme trouvée par hasard et capable de dévorer du plastique, ou la mise en place de bateaux dépollueurs fonctionnant aux énergies renouvelables), commençons petit : en mélangeant notre café avec une cuillère, pas avec une touillette.
Un tout petit geste, donc. Mais parfois, ce sont ces tout petits gestes qui marquent l’histoire
et qui font les grands hommes.
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