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Carangues de Polynésie. Poisson de haut rang

© Textes : Alix Baer - Photos : Philippe Bacchet


Ce tama’a n’est pas un numéro spécial consacré à la carangue. Cependant, ce poisson si apprécié des Polynésiens méritait plus qu’une simple présentation dans nos pages. C’est pourquoi nous sommes allés à la pêche aux infos comme aux poissons et que les chefs ont réalisé pas moins de 9 recettes consacrées à cette star de nos eaux.



Autour du lagon (tairoto en tahitien), créé « par le relèvement de la barrière de corail qui enserre une partie de l’océan contre l’île […] les eaux vives du récif sont des zones particulièrement poissonneuses ». Les anciens Polynésiens les privilégiaient pour la pêche, notamment celles proches « des passes ouvertes sur l’océan qui permettent aux poissons pélagiques de haute mer d’entrer dans le lagon pour se mêler aux eaux des rivières » (Serra-Mallol).


Les perroquets y sont fort nombreux, mais les anciens Polynésiens les délaissaient car « relativement dévalorisés du fait de leur consistance visqueuse au toucher ». Ce n’était pas le cas des mérous et de poissons proches des loches ou des serrans (to’au).


Mais la reine de cette pêche autour du récif était la carangue, notamment la plus royale d’entre elle, appelée pā’aihere.

Plus de 140 espèces

Le terme carangue désigne plusieurs espèces de poissons océaniques de la famille des carangidés. Les carangues, les pompaneaux, les trachinotes et les liches font tous partie de la famille des carangidés qui compte 140 espèces dans le monde, principalement dans les mers tropicales.


Leur corps est généralement assez comprimé, haut et puissant. Elle possède toujours un corps puissant, massif, même si, en fonction des espèces, son corps est plus ou moins élancée La tête est fortement convexe, la ligne

du front abrupte jusqu’à la bouche, puissante, aux lèvres épaisses. Les yeux sont de grande taille, de couleur argent. Le corps de l’adulte est gris argenté presque noir, même si la face ventrale est plus pâle et sans écailles.


Les juvéniles ont le corps argenté gris clair et des nageoires jaunes, quand celles des adultes sont grises à noires. Les nageoires pectorales sont très longues, surdimensionnées même et en forme de faux. Elles lui permettent des virages bruts totalement imprévisibles qui laissent bien souvent le pêcheur comme ses prédateurs aquatiques sur la touche. Les scutelles (ce sont des écailles qui forment des excroissances dures dans l’alignement de la queue) sont rigides, la queue est fourchue.


En fonction de la carangue rencontrée, des variantes existent : couleurs noires, jaunes, bleues, arc-en-ciel, qui lui donnent son nom. La carangue des îles ressemble à la carangue à points orange, mais ces points, outre leur couleur et leur forme, sont répartis sur l’ensemble du corps, et les nageoires sont jaunissantes.


La carangue a une activité diurne autant que nocturne dans les lagons ou proche des récifs.


La chasse sportive

Ces poissons sont généralement solitaires, ou se déplacent par paire, surtout les gros. Les jeunes vivent fréquemment en bancs de plusieurs dizaines d’individus. Les carangidés sont aussi connus pour se regrouper en banc pendant les migrations. Durant leur lutte contre le courant, ils marquent parfois des pauses et l’ensemble du banc forme alors des rondes, toujours dans le sens horaire. La carangue a une activité aussi bien diurne

que nocturne dans nos lagons ou proche des récifs. Toutefois, c’est surtout au lever du jour et au couchant qu’elles chassent leurs proies.


Les pêcheurs sous-marins attirent les carangues en faisant un bruit de glotte, imitant le gloussement de d.tresse d’une carangue blessée, comme cela se pratique avec plusieurs espèces. Les carangues les plus grosses, puissantes, en particulier les carangues à grosse tête, se débattent avec force lorsqu’ils sont fléchées. Elles ont alors tendance à tenter de gagner des eaux de faible profondeur pour se réfugier sur les hauts fond coralliens, au risque de s’échouer sur le récif en tentant de rejoindre le lagon. Cette espèce est également pêchée à la traine, ou de nuit à la ligne de fond avec un appât parfois vivant. Sa taille et sa résistance en font une prise recherchée en pêche sportive. Elle a donné naissance en Australie et à Hawaii au GT popping (GT sont les initiales de Giant Trevally, son nom en anglais), une pêche sportive avec relâche des spécimens capturés.


La carangue à table

La carangue est très recherchée pour la qualité de sa chair. Elle se consomme aussi bien crue, en ceviche (il faut alors qu’elle soit extra fraîche) que cuite, grillée au four, à la poêle ou à la plancha.

Ces poissons sont généralement commercialisés frais ou plus rarement séchés et salés. L’espèce est parfois élevée en aquaculture pour être commercialisée. Ce n’est pas encore le cas au fenua.


Chez les anciens Polynésiens, la chair de ces poissons aurait été réservée aux ari’i et certaines carangues faisaient partie de liturgies spécifiques : la présence d’arêtes de cette espèce près des marae en témoigne.

Les carangues avaient la réputation, jusqu’au début des années 1960, de n’être jamais toxiques. Cependant, plusieurs rapports depuis les années 1980 signalent des cas d’empoisonnement par la ciguatera, en particulier chez les individus de très grande taille. Ce n’est pas anodin. La " gratte " est un fléau, que vous pouvez éviter si vous êtes prudents. Demandez toujours au pêcheur s’il a connaissance de ciguatera sur sa zone de pêche et ne choisissez pas les plus gros specimens péchés, généralement plus porteurs de cette toxine que les petits.


Nous vous invitons d’ailleurs à lire l’article ciguatera sur le site www.sante-tahiti.com à ce sujet).



Sources : Eric Clua, Fran.ois Grosvalet, La chasse sous-marine moderne, 2001 Wildlife Conservation Society (WCS) et divers sites internet.



Les noms des carangues en reo mā’ohi

‘ARURU est une espèce de carangue plus sombre et plus arrondie que la carangue ordinaire. Elle présente de légères bandes longitudinales

chez les jeunes sujets.

‘AUTEA est le nom donnée à la carangue mouchetée

(Caranx alacata)

‘ŌMURI est la carangue à gros yeux (caranx sexfasciatus),

‘ŌPERU la carangue maquereau (Decapterus pinnulatus).

NAMIHERE est le nom donné aux jeunes carangues.

HAREHARE est la petite carangue dont la taille n’excède pas 10 cm, qu’elle que soit sa variété.


On la nomme aussi PATITIHERE ou PŪHARE.

Elle est ensuite appelÉe PŪHARE (jusqu’à 15 cm).

La plus célèbre des carangues de Polynésie est sans aucun doute la PA’AIHERE, la carangue bleue (Caranx melangpygus).

Les grandes carangues bleues, après 50 cm de long sont appelées URU’ATI.

URU’A est la carangue ayant atteint la taille maximum.

La carangue arc-en-ciel (Elagatis bipinnulatus) est TAPATAI.

L’échevelée, qui porte son nom en raison d’un filament qui prolonge les nageoires dorsales et anales, est appel.e ‘AUVEUVEU.





Vous souhaitez en savoir plus ?

Dossier à retrouver dans votre magazine Tama’a #19 - août 2021


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