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Cédric Bellais, un cœur et des poings en or


Âgé de 31 ans, boxeur professionnel depuis ses 21 ans, ce natif de Papeete est champion du monde des mi-lourds en RBO (Royal Boxing Organisation), UBI (Union Boxing International) et GBF (Global Boxing Federation) depuis 2018. Trois ceintures mondiales qu’il a remises en jeu et de nouveau conquis à Fautaua, devant le public tahitien, le 25 novembre dernier lors d’un combat organisé face au Mexicain Rocky Montoya et remporté en trois rounds seulement. Un niveau jamais atteint par un boxeur local, qui nourrit des ambitions encore plus élevées.


La boxe anglaise, qui autorise uniquement des coups donnés avec les poings, est surnommée le « noble art » en référence aux valeurs qu’elle a la réputation de transmettre telles que la combativité, le courage, la ruse, le sens tactique ou encore le sens de l’honneur. Et ce n’est sans doute pas Cédric Bellais, pratiquant depuis ses 14 ans, qui ira à l’encontre de cette définition, lui qui en a surtout fait un art de vivre, devenu boxeur professionnel il y a 10 ans après avoir remporté cinq titres de champion de Tahiti et cinq autres de champion de Polynésie amateurs. Un jeune homme tellement mordu qu’il n’aura jamais exercé d’autre activité professionnelle une fois son BEP Électrotechnique en poche. Un jeune homme devenu un grand champion, qui revient pour nous avec beaucoup de simplicité sur son parcours…

Comment en es-tu venu à briguer tes ceintures mondiales puis à les défendre ? Comment tous ces titres sont-ils organisés ? Cédric Bellais : “D’abord il faut savoir qu’en boxe anglaise il existe un assez grand nombre de fédérations internationales, d’importance variable, couvrant des zones plus ou moins étendues, mais qui organisent toutes plus ou moins l’équivalent des championnats du monde dans les autres disciplines. Le plus grand pays de la boxe ce sont les États-Unis d’Amérique, mais il existe aussi des fédérations très influentes en Europe, par exemple, et notamment dans les Pays de l’Est. Pour pouvoir les approcher, c’est très important d’avoir un bon manager. Ce qui est mon cas. Il y a 2 ans, au vu de mon palmarès (Cédric est notamment vice-champion de France 2014), j’ai été approché par le président de RBO Intercontinental qui voulait savoir si j’étais intéressé par les championnats du monde RBO. Il se trouve que cette personne est aussi l’un des superviseurs des deux autres fédérations (UBI et GBF, NDLR), ce qui m’a permis de tout intégrer… et donc de remporter trois ceintures mondiales en un seul combat disputé.” Quels ont été tes débuts dans la boxe ? “C’est une passion qui m’est venue du père, puis des frères, c’est familial ; ça a suivi en quelque sorte. Mes frères ont participé à de gros combats avec de grands champions en Polynésie. L’un d’entre eux a même disputé les championnats en France chez les amateurs ; il a été vice-champion de Polynésie et vice-champion de France. Cet environnement m’a toujours motivé et incité à me surpasser.” Pourquoi, ensuite, avoir persévéré dans la boxe alors que d’autres disciplines comme le MMA (arts martiaux mixtes) sont peut-être un peu plus dans l’air du temps aujourd’hui ? “Beaucoup m’ont dit et me disent encore de tenter le MMA et j’y viendrai peut-être un jour. Mais pour l’instant je préfère déjà atteindre mes objectifs en boxe anglaise.” Tu as des idoles ou au moins de grands modèles ? “Mon père regardait beaucoup de combats de boxe anglaise à la télé. Du coup forcément il y a beaucoup de grands boxeurs qui m’ont marqué et inspiré. Je pense notamment à Roy Jones Junior, Oscar De La Hoya, Felix Tito Trinidad ou encore Gennady Golovkin. Ils ont la rapidité, le punch et le coup d’œil.”

Justement quelles qualités faut-il pour devenir un bon boxeur ? “Pour être un bon boxeur, il faut de la maîtrise de soi, du fair-play, le respect d’autrui. Tout ceci m’a été inculqué dans ma famille mais dans le milieu de la boxe aussi. Je pense que c’est la meilleure attitude à avoir pour pouvoir progresser. J’en connais plusieurs qui ont gâché un grand talent pour ne pas avoir su adopter ces comportements. Et puis ensuite il ne faut pas oublier que la boxe c’est avant tout de la stratégie. Quand tu commences à comprendre le système, ça va vite. En fait, il faut être complet: avoir le coup d’œil, être rapide pour prendre des décisions comme dans les déplacements et, bien sûr, savoir utiliser ta force derrière.” C’est quoi le secret ? “Il n’y en a pas si ce n’est l’entraînement. Quand tu es bien préparé physiquement, tu ne cherches pas à feinter en début de match pour te préserver et conserver tes forces pour en mettre un gros coup à la fin. Au contraire, tu es serein et tu fais d’emblée ce que tu as à faire. Tu peux gérer. Pour moi, c’est toujours mieux d’être posé, calme, pas agressif. Pas excité au point de faire n’importe quoi. Même si c’est toujours l’adrénaline que tu viens chercher.”


En quoi consistent tes entraînements ? “Je m’entraîne 4 ou 5 heures tous les jours, du lundi au samedi. Le matin, je commence par un footing de 45 minutes à 1 heure avant d’attaquer le reste de la préparation physique, faite d’un peu de tout, de la muscu, du cardio, dans la foulée. Après j’ai de nombreux amis autour de moi, qui viennent à la salle de boxe régulièrement pour m’aider à m’entraîner. Mais pour pouvoir bénéficier de véritables sparring partners de mon niveau, je pars régulièrement m’entraîner aux États-Unis un mois avant les deux ou trois combats programmés pour moi dans l’année.”

Comment es-tu passé du statut d’amateur à celui de professionnel ? “En réalité, la bascule s’est essentiellement faite à cause des problèmes qui divisaient les deux fédérations qui existaient alors ici, après scission de l’unique fédération que l’on avait avant. Les événements m’ont amené à m’affilier directement à un club en France, ce qui est possible même en étant ici, et c’est ce qui m’a donné accès à tout le reste.”

La boxe anglaise est un sport qui présente des risques : comment les gères-tu et as-tu déjà été sérieusement blessé ? “Oui je me suis déjà blessé sérieusement, notamment en juillet dernier où j’ai souffert d’une fracture du nez avec déviation de la cloison nasale. Mais je ne pense pas du tout aux risques : je fais mon job et je m’entraîne sérieusement. Quand tu es bien préparé, tu te sens bien et il n’y a pas de souci.”

Quels sont tes objectifs ? “Même si je suis déjà au top, mes titres actuels restent mineurs par rapport à ceux d’autres fédérations internationales comme l’IBF (International Boxing Federation), la WBA (World Boxing Association), la WBO (World Boxing Organization), l’IBO (International Boeing Organization) ou encore le WBC (World Bxing Council). Dans la boucle au sein de laquelle j’évolue aujourd’hui nous sommes 1 100 adhérents au niveau mondial et je suis classé 112e mondial. Mais il existe d’autres boucles, d’autres classements bien plus « élitistes » encore et il existe aussi de nombreux autres titres mondiaux. On m’a proposé de disputer un titre IBF, la fédération dont l’envergure est la plus importante sans doute, dans le courant de l’année prochaine. Si je parviens à obtenir ce titre, je passerai directement dans le Top 50 mondial pour pouvoir prétendre au titre suprême de l’IBF. Prétendre à ça et l’obtenir ce serait pas mal. Combattre aux États-Unis, ce serait une grosse étape aussi. Déjà rien que le fait de mettre un pied dans la salle, pour l’ambiance, le show à l’américaine. C’est également en pourparler avec l’entraîneur, peut-être aussi pour l’année prochaine. Je me suis donné encore 2 à 4 ans pour atteindre ces objectifs. Au-delà, c’est flou : je suis trop concentré sur ça.”

Tu réussis à en vivre ? “Ce n’est pas évident. J’y arrive surtout grâce à mes sponsors qui sont quand même assez nombreux et me suivent depuis longtemps, et aussi aux primes que tu reçois pour les combats. Forcément, quand tu as des titres, tu en vis mieux. Sinon, on ne peut pas dire que tu reçoives beaucoup de soutien en dehors de soutiens très précieux, comme celui de la compagnie Air Tahiti Nui par exemple qui me permet tous mes déplacements à l’étranger, pour l’entraînement comme pour les rencontres. Aujourd’hui, dans ma carrière professionnelle, j’affiche 34 combats, 23 victoires, 8 défaites et 3 nuls. Je suis le seul boxeur tahitien titré dans ces fédérations avec une ceinture. Ça me permet de m’en sortir correctement.”

Un message, des conseils à l’adresse des jeunes pour finir ?

“C’est important de bien savoir ce qu’on veut pour ne pas être déçu. Et c’est toujours très important aussi de faire quelque chose que l’on aime, c’est la meilleure des motivations.”

Textes : Virginie Gillet.


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