LE SURPRENANT PRENAT
© Textes et photos : Virginie Gillet
Christopher Prenat, que l'on ne présente plus, est incontestablement un caméléon. Comme pour beaucoup de jeunes artistes, son jeu et la fulgurance de son génie sont pour lui un grand atout. Aujourd'hui, il met de côté, sans hésiter, la cape du maquilleur/styliste pour s'adonner entièrement au métier d'acteur dont il maîtrise déjà les multiples difficultés. Nous avons eu la chance de le recevoir pour un tête-à-tête sans langue de bois afin d'en connaître un peu plus sur ce personnage fascinant et attachant.
Le parfait équilibre
Aussi loin qu’il s’en souvienne, Christopher a toujours aimé faire rire. Ses expressions corporelles, toute la finesse dans ses gestes lui viennent de sa mère “qui m’a toujours soutenu jusqu’à aujourd’hui. Entre elle, ma grand-mère, mes tantes, ma soeur… à ce jour, j’ai cette facilité à comprendre les femmes et c’est bénéfique en tout point de vue”. Quant à ses jeux de mots, il les doit à l’esprit vif de son “papa, qui disait souvent ‘Vous savez, je ne suis ni pour ni contre, mais bien au contraire’ ou ‘On ne dit pas un coca-cola aux glaçons, mais un ca-ca-collé au caleçon’ (rires)”. Le jeune homme fait preuve d’un véritable talent en humour auprès de ses proches et le partage sur les réseaux sociaux à travers des vidéos et photos de son quotidien pour passer le temps.
“Je suis physiquement, et ça on ne peut pas le nier, le sosie officiel de mon père (il aurait quand même pu me donner ses yeux bleus, le chameau -rires-) !"
"Quant à mon caractère, mes mimiques, ma façon de m’exprimer, on retrouve facilement ma mère. Je suis le parfait équilibre et le produit fini de l’amour de mes parents.”
Au fil du temps, Christopher Prenat s’affirme très vite dans le monde de la mode où il se fait un nom et est reconnu pour ses différents visages et transformations osées. Il devient alors une personnalité publique hors du commun, notamment par ses apparitions sur scène en tant qu’animateur ainsi qu’à la télévision. “Je me suis longtemps cherché, sans trop m'éparpiller cependant, parce que les domaines que j’ai expérimentés sont complémentaires et c’est avantageux pour ce que j’aspire à devenir, c’est à dire acteur. Me voilà armé pour attaquer la suite ! ”
L’espoir dans la morosité
Tout n’a pas été rose pour lui, “les gens s’imaginent que je suis né avec une cuillère en argent dans la bouche et que j'étais un petit gâté pourri qui avait tout ce qu’il voulait en un claquement de doigt, alors que pas du tout”, souligne t-il. Durant son parcours, il rencontre beaucoup de moments durs “que je ne souhaite à personne” qui l’ont construit malgré tout et l’ont poussé à se lancer dans sa nouvelle aventure.
“Ce qui m’attire dans le cinéma, c’est de pouvoir entrer dans la peau de n’importe quel personnage et d’exprimer plusieurs émotions. Je pense que si je suis apte à jouer chacune d’elles, c’est parce que je les ai vécues intensément.
J’ai porté un masque trop longtemps et aujourd’hui j’ai besoin de libérer mes émotions. Il me faut un exutoire.”
C’est en 2017, deux ans après le décès de son père, que l’artiste réalise le départ de ce premier et sombre alors dans une profonde dépression, “j’étais en plein tournage de la série ‘Les Vilaines’ quand j’ai appris la nouvelle mais je n’avais pas vraiment saisi sur le coup, ça a mis du temps…”, confie-t-il. Les sorties entre amis sont devenues inintéressantes, la solitude a pris énormément de place et devenait atroce, Christopher, brisé, s’est cherché de nouveaux repères. “Une amie proche, m’a recommandé l’écriture thérapeutique afin de mettre en marche un travail de reconstruction et ça m’a beaucoup aidé, en effet”. Depuis, il prend goût aux mots qui l'accompagnent dans son deuil et l'amènent à ce jour fatidique,
“j’avais un coup de blues et j'étais très malheureux. Je traînais dans mon appart en désordre, je mangeais mal depuis plusieurs jours (j’avais perdu 12 kg) je me sentais effroyablement seul. En regardant le ciel bleu par la fenêtre, je me suis posé cette question : ‘Qu’est-ce que tu veux vraiment, Chris ?’”, une lueur d’espoir qui le pousse à prendre le taureau par les cornes. “Je veux un métier dans lequel je peux exprimer mes émotions. Je ne veux plus exister à travers les autres. Je veux faire du théâtre, je veux être acteur ! Voilà ce que j’ai répondu !”
Son but en tête, notre héros a pour ambition de se professionnaliser dans le domaine pour parcourir de grandes scènes. Ses plaies du passé n’étant pas totalement refermées, l’artiste saigne encore et utilise cela comme une force.
C’est en avril cette année, au grand théâtre de la Maison de la Culture que Christopher “et non Christopher Prenat” prend naissance.
“Le Tahiti Comedy Show a été l'événement où il y a eu revirement de situation me concernant. On rencontre des gens qui ont aussi ce besoin de s’exprimer sur scène, qui ont des choses à dire. J’ai vécu cette expérience comme une thérapie. Quand j'étais dépressif, je faisais un blocage sur tout. Il fallait à tout prix que je tente ma chance, sinon c’est au bout d’une corde que vous m’auriez retrouvé. Et là je suis sincère. Je ne rigole pas.”
Celui qui ne cache pas son amour du 7e art et son rêve de tourner avec Meryl Streep ou Johnny Depp, trouve aussi sa force dans la réaction du public qu’il arrive à charmer, émouvoir, faire rire évidemment, et lui faire regretter que la soirée soit déjà terminée. Tant de prestance et de charisme, il excelle sur scène et la foule en redemande. Derrière cet extraverti se cache donc Christopher qui réécrit sans relâche ses spectacles, qui doute. Christopher sincère, hypersensible, qui réapprend à apprécier sa solitude.
Christopher qui rougit quand on lui dit qu’il est beau. Ce grand passionné prévoit un tas de surprises, prépare ses prochains sketchs qu’il présentera à Paris, assure de toujours véhiculer la beauté de notre île “et je continuerai de faire briller le charme et l’authenticité de chez nous.” Rendez-vous est donc pris pour le dernier trimestre 2019 pour ce spectacle parisien.
INTERVIEW
Ton livre de chevet ?
“C’est un livre profond qui parle de la vie… surtout des gens en général. Il s’intitule Facebook (rires) ! Non, en fait, je ne lis pas. Je m’endors avec les Simpson sur Youtube.”
Ta plus grande fierté ?
“Je ne dirais pas que je suis fier mais plutôt satisfait de ce que je suis devenu aujourd’hui. Satisfait d’avoir réussi à prendre le contrôle sur moi-même, de ne pas avoir abandonné.”
On te confond avec qui ?
“Pas facile car je change toujours de look.
Puis, aujourd’hui, on ne me confond plus,
on me reconnaît.”
On te compare avec qui ?
“Quelqu’un m’avait dit une fois que j’étais
un mélange d’Ellie Kakou et Jarry.
Assez drôle comme comparaison…”
Ta devise ?
“More is never too much.”
Le meilleur conseil qu’on t’ait donné ?
“Tu devrais rester coiffeur (rire ironique)”
Qui vas-tu voir pour des conseils ?
“Ma mère.”
Joues-tu d’un instrument de musique ?
“Je joue du ukulele.”
La chose la plus dingue que tu comptes
faire cette année ?
“M’installer en Nouvelle-Zélande.”
C’est quoi pour toi, une journée parfaite ?
“Une journée où je réussis à faire tout ce que j’avais devais faire, sans qu’il y ait de changement etc. Que tout soit réalisé comme c’était prévu (chose qui n’arrive jamais).”
Que fais-tu pour te défouler ?
“Mon métier. Je m’exprime.”
Ton surnom ?
“Titou.”
Si tu étais un plat ?
“Un truc sucré, salé, épicé... Un reste de plein de choses. Le plat réchauffé du dimanche, en fait. Attention, je n’ai pas dit du ‘ma’a’ pour chien !”
Une boisson ?
“Énergétique, caféinée. Une boisson qui réveille.”
Le plus beau compliment qu’on t’ait fait ?
“Eh mais, tu es cool, en fait.”
Ta couleur préférée ?
“Le bleu turquoise.”
InstanTANE #07 - juin 2019
Comments