Le pandanus était autrefois l’arbre emblématique des atolls, beaucoup plus abondant que les cocotiers. Désigné par les termes fara, tima, ou viri, il constituait la nourriture végétale de base des anciens Pa‘umotu, notamment pour la période s’étalant du mois de janvier au mois de juillet. Il existe deux variétés : le fara (Pandanus tectorius var. tectorius), le plus commun sur les rivages à usage culinaire et le pae’ore (Pandanus tectorius var. laevis) aux feuilles dépourvues d’épines, qui était utilisé pour la vannerie fine.
Textes : Frédéric Torrente - Anthropologue
L’infrutescence (grappe de fruits) est composée de dizaines de drupes appelées kohoro au gout sucré. Chaque drupe contient plusieurs amandes appelées pagoa. La chair, kapenu, pouvait être mâchée, rongée, ou cuite. L’infrutescence était cuite entière, après quoi il était facile d’enlever les drupes pour les placer dans le four à cuisson lente (kopihe). A Anaa, le kapenu, intérieur de la chair farineuse du tima était gratté avec un coquillage korora, puis pilonné sur une pierre épaisse (kararo ou fakararo). La pâte ainsi obtenue (kapenu) était souvent pétrie (oi) dans un récipient kumete. On enveloppait la pâte dans les jeunes pousses des feuilles et on la cuisait dans le four en terre kopihe (Torrente, 2012). Pour constituer des réserves, les amandes étaient réduites en farine, mélangées ou non à l’amande de coco puis séchées au soleil. Une fois sèche, la pâte durcie ainsi formée pouvait être conservée plusieurs années, pour être cuite au moment voulu.
D’autres parties du pandanus étaient comestibles, comme les pousses des racines aériennes (ure fara), qui étaient mastiquées après cuisson. On mangeait aussi cru ou cuit le bourgeon terminal à la base du bouquet de feuilles, muko tima (l’équivalent du cœur du cocotier muko niu), ou les feuilles bourgeonnantes. Le cœur interne de l’infrutescence, nounou, sur lequel la base des drupes est attachée était consommé cru ou cuit, parfois avec du lait de coco (hinu gora).
Enfin, la fleur mâle (tarefa, hinano) contenant une chair spongieuse (hune) pouvait aussi être mangée après cuisson cuite.
Le pia, une ressource oubliée
Le pia (Tacca leontopetaloides), plante à tubercule bien adaptée au sol des atolls, était aussi très exploitée. Cette source d’amidon servait de base à deux préparations culinaires : le kāvaro pia utilisant uniquement la farine de pia cuite, ou le kāvaro, pâte cuite faite avec la farine du tubercule de pia mélangée à la chair d’une noix de coco au stade kōmoto.
Le pia pouvait être également utilisé en poe, préparé de la façon suivante : les tubercules (katiga pia) étaient épluchés puis râpés (oro) pour obtenir une fine poudre appelée rito à Anaa. On la mélangeait avec de l’eau dans un récipient, ce qui donnait un liquide contenant l’amidon en solution. La mixture était filtrée avec de l’eau dans une étoffe et les dépôts épais contenant le résidu toxique impropre à la consommation étaient éliminés dans le filtre. On versait à nouveau de l’eau dans le récipient où on laissait décanter jusqu’à obtenir un dépôt comestible qui séchait. La préparation du pia était accompagnée par un chant rythmant l’activité, appelé patautau pia.
Enfin, les fruits aériens charnus et sucrés du pia sont comestibles. Ils étaient très appréciés des enfants.
Des restrictions de type rahui étaient posées sur la culture du pia, afin de respecter son cycle de croissance (Torrente, 2012).
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Dossier à retrouver dans votre magazine Tama'a# 28 - juin 2023