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Les NFT, il est temps d'en parler

Les tendances 2022 des FINTECH


© Texte : Maxime Pejot


Parler de l’actualité du monde des FINTECH dans un magazine trimestriel peut sembler vain tant ses mutations et révolutions s'enchaînent à un rythme effréné.



Vous ne vous êtes toujours pas remis du boum des crypto-monnaies ? Vous tentez tant bien que mal de faire fructifier vos actifs virtuels sans voir arriver les gains mirobolants qui vous avaient été promis ? Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que vous avez déjà raté le coche. La bonne, c’est qu’une nouvelle révolution vient re- battre les cartes et offre de nouvelles opportunités de retour sur investissement extraordinaires. NFT. Le nouveau terme à la mode chez les enthousiastes de la tech. A quoi est-ce que cela sert au juste ? Comment cela fonctionne ? Peut-on vraiment faire beaucoup d’argent avec ? Plongez avec nous dans l’océan des NFTs, et pensez à vérifier votre réserve d’oxygène, car sous la surface, l’iceberg est profond.


NFT, LE JETON NON-FONGIBLE, OU COMMENT DONNER DE LA VALEUR À CE QUI N’EN A PAS.

En termes économiques, un actif fongible est un actif qui peut s’échanger contre un autre de même valeur. Un bitcoin peut s’échanger contre un autre bitcoin, puisque rien ne les différencie. Un lopin de terre, par contre, dispose de caractéristiques propres qui font qu’il ne ressemble à aucun autre, et sa valeur est intrinsèquement liée à ces caractéristiques uniques, qui en définissent la rareté. Il est donc non-fongible. Quiconque a déjà fait un copier/coller sur son ordinateur sait qu’il est très simple de dupliquer un artefact numérique, qu’il s’agisse d’une image, d’une vidéo ou d’un morceau de musique.


Le NFT a donc pour objectif de fixer l’unicité d’un actif numérique, théoriquement duplicable à l’infini, de le rendre “non-fongible”, donc rare, et donc d’en faire un actif pouvant voir sa valeur varier en fonction du marché de l’offre et de la demande.


ORIGINE ET MODE DE FONCTIONNEMENT

Fortement intégrée au microcosme des crypto-monnaies, la création du NFT peut elle aussi se targuer d’un but noble et universaliste. L’objectif est ici de protéger les artistes du vol de leur œuvre, pratique courante dans le monde du numérique. En effet, s’il semble facile d’at- tester de l’authenticité de la Mona-Lisa, le problème est tout autre pour une œuvre numérique pouvant être copiée, à l’identique et une infinité de fois. Sensibles à cette problématique, Anil Dash et Kevin McKoy ont créé un jeton particulier, qu’ils ont intégré à la blockchain Ethereum, afin de certifier qui est le propriétaire d’une œuvre numérique. Celui-ci ne contient en tout et pour tout qu’un identifiant de wallet (portefeuille numérique), ainsi qu’une clé permettant d’identifier de manière unique l'œuvre en question, le fameux jeton non-fongible ou NFT.

A la manière d’un échange de crypto-monnaies, chaque changement de propriétaire du jeton est tracé et authentifié par l’ensemble des acteurs, assurant ainsi la sécurité du système.



Il est à noter que la propriété de l'œuvre assurée dans le monde de la blockchain n’a pas son pendant dans le monde réel, où seules les preuves de propriété traditionnelles ont cours. Nous en voulons pour preuve la publication totalement autorisée du NFT le plus cher de l’histoire, accordé pour un montant de 69,3 millions de dollars par la maison d'enchères Christie's, le 11 mars 2021, dans les pages de ce modeste magazine.


EXPLOSION ET ADOPTION

Si ce système ouvre une nouvelle façon de vendre et de négocier les œuvres de l’esprit, qu’elles émanent directement de l’artiste ou entre collectionneurs, il ne peut se développer que s’il remporte l’adhésion du public. L’étude de l’explosion du marché des NFTs nous montre qu’elle a d’énormes similitudes avec celle du marché des crypto-monnaies.


On peut y voir deux aspects majeurs :

Une poussée inconditionnelle par de gros acteurs, traditionnellement des influenceurs du marché de la tech, et une mise en place d’un mécanisme d’opportunités multiples mais à très court terme, aussi appelée FOMO (Fear Of Missing Out, la peur de passer à côté d’une opportunité). Nous avons donc vu fleurir des articles présentant les achats de NFT par des acteurs, chanteurs ou stars de la tech pour des sommes défiant les constantes du marché, alors que peu de monde avait entendu parler de ce terme. Les montants sont vertigineux, l'engouement est alors réel, à la fois pour les artistes, les investisseurs et une partie du grand public, pour lesquels il faut être sur ce marché, le plus vite possible, sous peine de rater le coche.


ET LES ARTISTES DANS TOUT ÇA ?

Si les artistes du monde numérique ont désormais un moyen de vendre plus facilement leurs œuvres, certains aspects intrinsèques à la blockchain rendent l’expérience amère pour nombre d’entre eux. A l’image de l’auteur de comics Liam Sharp, qui a vu son oeuvre se faire piller par des individus malfaisants qui ont déposé à son insu des NFT de ses oeuvres pour s’en arroger la propriété, ils sont nombreux à ne pas avoir anticipé la dichotomie entre le monde des NFT et le monde réel. L’absence d’organe central, élément fondateur de la blockchain qui est par nature décentralisée, rend impossible l’authentification du réel propriétaire ou créateur d’une œuvre, lorsqu’un nouveau NFT est soumis à la blockchain. C’est donc la loi de la jungle, où le premier arrivé est le premier servi. De même, l'anonymat des propriétaires de portefeuille numérique, autre brique constitutive de la blockchain, rend quasi- ment impossible l’engagement de pour- suites envers les auteurs de ces méfaits. Il y a donc un goût doux amer pour les artistes, qui voient leur marché chamboulé par un médium qui a ses propres règles. Si c’est une opportunité pour certains, qui peuvent tirer de leurs œuvres bien plus que ce qu’ils auraient pu en tirer dans le marché traditionnel, d’autres voient leur production pillée sans possibilité de recours.



UN AVENIR QUI SE DESSINE

Nous observons donc une poussée fulgurante de ce nouveau marché, dont le but premier est de donner de la valeur à des éléments numériques pour lesquels c’était auparavant très complexe. Le tout se base sur la blockchain, qui a déjà fait ses preuves dans le monde des crypto-monnaies. Mais il faut bien comprendre que le NFT ne se limite pas au monde de l’art. Toute création numérique peut faire l’objet d’une intégration dans la chaîne NFT qui, vous l’aurez compris, le transforme de facto en un actif valorisable et pouvant être échangé.

C’est là que ça devient intéressant. L’annonce récente de la mutation de Face- book en Meta et la présentation enthousiaste du metavers, sorte de pendant de notre réalité dans le monde virtuel, ne doit rien au hasard. Dans ce monde virtuel, vous pourrez vous porter acquéreur d’un terrain virtuel, d’une maison, de vêtements ou même de billets pour des concerts virtuels. Vous avez deviné, tout ce marché sera porté par des NFT car comment, sinon, faire fructifier un monde dans lequel toutes les propriétés peuvent être copiées ?


De plus, l’interopérabilité entre les mondes virtuels est de mise. Au même titre que votre identifiant Facebook vous permet de vous connecter sur de nombreux sites, vous pourrez afficher dans votre maison virtuelle du metavers les NFT que vous aurez acheté sur d’autres plateformes, utiliser votre avatar unique dans un jeu, afficher fièrement vos armes spéciales de Call of Duty au-dessus de votre cheminée virtuelle.


En prenant un peu de hauteur, le constat est le suivant. Les achats de NFT d’aujourd’hui n’ont aucun caractère légal dans le monde réel. Il s’agit en tout et pour tout de disposer d’une version un peu particulière d’une œuvre numérique, celle-ci pouvant en effet être copiée pour agrémenter le blog d’une grand-mère ou le tik-tok d’une lycéenne.



Par contre, dans le monde virtuel, les cartes sont rebattues. Si tout un chacun pourra afficher une copie de la Joconde dans ses toilettes, un portrait du singe fatigué du Bored Apes Yacht Club, collection de NFT dont les cours se montent à plusieurs millions pour chaque image, sera une réelle marque de luxe et d’exclusivité.


Si, malgré leurs efforts combinés, les grands acteurs de l’économie numérique ne parviennent pas à faire plier les régulateurs à leur volonté, pourquoi ne pas quitter ce monde pour un nouveau, à l’image d’un Elon Musk voulant conquérir Mars ? Des crypto-monnaies aux NFTs en passant par le metavers, un nouveau monde virtuel se dessine. Il dis- pose de son propre environnement, de ses propres règles, de son économie, de ses monnaies et désormais de ses actes de propriété.


Un système se voulant une alternative au capitalisme est en train de muter en un microcosme où les gros acteurs peuvent croître en toute opacité, en dehors de toute régulation, ayant pour toute légitimité les fantasmes de gros gains, pourtant difficilement accessibles au tout venant, dont ils ont su insuffler l’illusion à l’opinion publique.


Fuite en avant, création d’un nouveau marché parallèle qui s’alimente lui-même, si le web 3.0 semble en déconnexion totale des régulations du monde réel, ses conséquences environnementales, économiques et politiques sur le monde réel sont quant à elles bien tangibles.


On en viendrait presque à regretter Second Life.





Vous souhaitez en savoir plus ?

Dossier à retrouver dans votre magazine Investir à Tahiti #10 - mars 2022

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