Un jardin extraordinaire
© Texte & photos : Alix Baer
Avant cet été où, reprenant les conseils de Jacky Drollet en 2009, alors ministre du tourisme (« choisissez plutôt Raivavae que Las Vegas »), j’ai choisi Raiatea plutôt que San Francisco, je n’avais pas une opinion très positive de cette île, à laquelle j’ai longtemps préféré Taha’a. C’était en fait par préjugé et ignorance. Avant de la parcourir de bords de mer en marae, de rencontres en restaurants, faisons un petit tour au jardin botanique entièrement réaménagé, d’une rare beauté.
En raison de ses terres fertiles et une pluviométrie abondante, le domaine public de Faaroa a toujours été, naturellement, orienté vers l’agriculture. C’est un large bassin né de l’effondrement d’une partie de la caldeira de l’ancien volcan. Les terres volcaniques y sont riches et fertiles. Un jardin botanique avait été une première fois aménagé, sur un lot agricole que le Pays s’était approprié en raison de son intérêt touristique. Puis il était peu à peu tombé dans l’oubli, faute d’entretien. Les jardins botaniques dignes de ce nom ne sont pourtant pas légions dans nos îles, à part celui de Tahiti (créé en 1919), le parcours botanique de ‘Opunohu à Moorea, l’arboretum de Ua Huka aux Marquises et, dans une moindre mesure, le jardin de la reine et de l’Assemblée à Papeete. Le réaménagement du jardin botanique de Faaroa (du nom de la baie qui l’abrite), répondait à un réel besoin.
Il est en soin un excellent argument d’attractivité touristique, car c’est une réussite.
Les travaux conduits par le service du tourisme ont commencé en novembre 2018.
Ouvert au public en février 2020, pas moins de 135 M de francs ont été nécessaires à la réalisation des travaux. Etendus sur une surface de près de 3,5 hectares, ils ont consisté à réhabiliter toute la zone en aménageant un parking sur la partie la plus haute du jardin, à construire un escalier d’accès vers le bas du jardin, créer des aires de détente et réaliser des sentiers et passerelles partout où la végétation fragile nécessitait ces aménagements particuliers.
La dimension pédagogique de cet aménagement s’est concrétisée avec la réalisation, par le Cetad de Faaroa, d’éléments de décoration du site et, notamment, de la signalétique.
Un débarcadère a également été réalisé par la Direction de l’équipement sur les abords de la rivière Apoomau permettant ainsi l’accès du jardin par embarcation. Car oui, vous avez bien lu, on peut accéder au jardin par cette rivière, qui a la particularité d’être le seul cours d’eau navigable des îles polynésiennes.
"Ses rives sont bordées de plantes luxuriantes, qui ont fait la réputation des îles de la Société."
Les pirogues à balancier ont toujours emprunté la rivière Apoomau, avant la société de consommation. Les habitants de l’île venaient notamment chercher par le lagon légumes, plants, fruits, qui étaient cultivés ici en terrasses. Un site archéologique fort riche a apporté de nombreux témoignages de ces savoir-faire agricoles. Au XIXe sièce, la vallée abrita, comme à ‘Opunohu et ‘Atiamaono, plusieurs plantations de tabac et de coton.
C’est souvent en paddle et kayak que les touristes empruntent la rivière. Elle est d’un charme suranné et rappelle, pour ceux qui les connaissent, les marais poitevins. Ses rives sont bordées de plantes luxuriantes, qui ont fait la réputation des îles de la Société dès le XVIIIe siècle : meia (bananes), Vi tahiti (pomme cythère), ‘uru (arbre à pain), mais aussi re’a Tahiti (curcuma), dont les feuilles se confondent avec les hopui qui ponctuent les multiples verts de leurs rouges et roses étincelants. Le fouillis végétal enfuit la rivière sans toutefois compliquer la navigation. On se croit dans un lieu vierge de toute présence humaine, si ce n’est quelques barques à fond plat qui semblent échouées, sans âge ni fonction.
La balade en kayak depuis les motu qui piquent le lagon de la présence de leurs cocotiers nonchalants jusqu’au parc dure environ 45 minutes. Attention au retour, les courants et le clapot peuvent rendre difficile le parcours inverse, surtout quand jambes et bras sont fatigués.
La visite du jardin est un enchantement des sens. Il avait plu avant notre arrivée et la nature semblait s’être parée de mille gouttelettes scintillantes sous le soleil qui perçait à nouveau les gros nuages bloqués sur le sommet Tefatua du mont Temehani. La collection d’oiseaux du paradis vaut à elle seule le détour.
L’ensemble du site a été végétalisé par la plantation d’espèces locales, pour certaines endémiques de Raiatea. A l’heure où l’on voit partout des palmiers et autres plantes tropicales importées, c’était une nécessité ! Le projet a intégré également la sauvegarde et la valorisation de la grande majorité des arbres existants sur le site. De nouveaux arbres, arbustes, fougères et plantes herbacées remarquables ont été sélectionnés pour enrichir le jardin. La traversée de la forêt de mape, au centre du parc, procure comme à ‘Opunohu, une émotion perceptible.
Un entretien et un gardiennage du site sont désormais assurés quotidiennement. C’est une balade à ne pas manquer lors de vos visites des îles Sous-le-Vent.
RESPECTEZ LES LIEUX
Afin d’assurer la préservation de la flore et des équipements, il est demandé aux usagers de respecter les règles suivantes :
Ne pas y prélever d’échantillons de graines, fleurs, feuillages et toutes autres parties de plantes ;
Ne pas y promener d’animaux, même de compagnie ;
Ne pas y prélever de sable, terre ou cailloux ;
Ne pas circuler avec des engins à moteur dans le jardin ;
Ne rien jeter et ramener avec soi ses déchets.
Merci à tous de prendre soin de notre belle nature.
Vous souhaitez en savoir plus ?
Dossier à retrouver dans votre magazine InstanTANE #12 - septembre 2021
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