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Forêts Polynésiennes - Partie 3

Troisième et dernière partie

© Texte : Virginie Gillet - Photos : Lorelei Quirin, Philippe Bacchet, bibliothèques d’images


Tour d'horizon du patrimoine fruitier polynésien

Il n’existe pas réellement d’inventaire des parcelles plantées et du patrimoine fruitier au Fenua car il est encore en bonne partie constitué d’arbres isolés, de plants épars et de toutes petites parcelles (ce qui pose tout simplement des problèmes de définition des choses ; la base quand il s’agit de les recenser étant de se mettre préalablement d’accord à propos de ce dont il est question. Qu’est-ce qui se rapprocherait le plus d’un verger en Polynésie ? d’une parcelle agricole ? et ces définitions sont-elles valables pour toutes les îles de manière homogène… that is the question). Nous nous sommes quand même efforcés d’y voir plus clair.


« Il n’y a pas à proprement parler de cultures fruitières en Polynésie où la notion de verger traditionnellement n’existe pas. Il s’agit plutôt de cueillettes, souvent opportunistes », nous précise d’emblée Karima Miri, ingénieure responsable de la filière fruits et agrumes du bureau stratégie et économie de la DAG.


« Le suivi de la production est donc difficile, surtout dans les îles, même si cela est un peu moins vrai à Tahiti, Moorea, Raiatea, sur les grandes îles des îles Sous-le-Vent. Beaucoup d’arbres fruitiers sont aussi plantés sur des propriétés privées, des jardins de particuliers tandis que nombre d’autres, comme les manguiers, sont très répandus dans la nature, où ils ont bien souvent poussé spontanément, dans les vallées… Il existe bien quelques vergers, de-ci de-là, d’agrumes, de papayers, de bananiers dont les gens vendent le surplus, ce qu’ils ne consomment pas directement, mais rien de très « optimisé ». Il existe aussi des parcelles plantées par des professionnels, sur des terres domaniales ou chez des particuliers, mais le recensement demeure assez difficile ».


Des habitudes de consommation à changer

« Ce que nous constatons surtout à notre niveau, c’est que nous avons localement beaucoup d’espèces tropicales qui poussent bien et affichent un bon rendement, mais qui pour autant ne sont pas valorisées. Lorsque l’on fait le tour des marchés, on constate en réalité qu’il n’y a pas beaucoup de diversité dans ce qui est proposé à la vente. Il y a encore un état d’esprit qui incite les gens à produire plutôt des produits de maraîchage étrangers (les fruits et légumes « farāni »), des tomates, des courgettes, des salades, pas forcément adaptés au climat et au terroir local, mais favorisés depuis longtemps au détriment des espèces tropicales comme les mangoustans, les yeux de dragon (ou longanes), les pitayas - même si ça commence à changer pour ces derniers du fait du tarif auquel ils peuvent désormais être vendus -, les ignames et bien d’autres fruits et tubercules, toutes espèces très bien adaptées que l’on ne trouve pourtant pas.


Au niveau de la DAG, nous avons donc à coeur de réaliser un vrai travail pédagogique et d’information auprès des consommateurs pour les inciter à changer leurs habitudes de consommation et à s’ouvrir à d’autres choses tout en travaillant à mettre en avant ces fruits tropicaux, qui souffrent d’une autre problématique : nous savons, par exemple, que nous avons en Polynésie plusieurs variétés locales de pamplemousses et d’oranges, qui n’ont pas encore bénéficié de caractérisation génétique variétale leur permettant d’être commercialisées.


Afin de remédier à cette situation, nous travaillons de concert avec le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) dans la perspective d’écrire des programmes de développement de ces fruits tropicaux en sachant que l’une des missions principales de la DAG dans ce domaine est de pouvoir fournir aux agriculteurs, grâce à ses pépinières installées un peu partout dans les archipels, des plants sains, indemnes de maladies et de parasites, et bénéficiant forcément d’une identification variétale.


À titre indicatif, la pépinière de Papara, qui est la plus grande de Polynésie avec ses 6 hectares, vend entre 10 et 14 000 plants chaque année de très nombreuses variétés. Cette politique, en phase avec un mouvement renforcé vers l’autosuffisance alimentaire, a déjà pris d’autres formes très concrètes : nous menons notamment des tests sur les oranges de la Punaruu, qui jusque-là ne poussaient que sur les hauteurs, pour pouvoir adapter la variété aux plaines et la distribuer à tous les producteurs ; nous avons aussi mis en oeuvre un centre d’excellence des plants et des semences à Ua Huka, une île qui dispose déjà d’un très bel arboretum dont les plantes sont indemnes de nombreuses maladies pour en envoyer un peu partout à travers la Polynésie ; nous offrons aussi un soutien technique pour tous ceux qui souhaiteraient se convertir au bio, un secteur dont les difficultés sont assez spécifiques eu égard à la pression sanitaire et parasitaire forte ».


Des freins persistants à surmonter

« Il reste concrètement beaucoup de choses à faire dans cette filière pour lever les freins auxquels elle est encore confrontée. Comme nombre d’autres secteurs, elle est pénalisée bien sûr d’abord par l’accès au foncier, avec des parcelles dont on sait quand même qu’elles ont tendance à se réduire et un impact non négligeable de l’indivision. Ensuite, comme je le disais précédemment, il reste difficile de cultiver des choses innovantes et de sortir du maraîchage malgré les indispensables quotas d’importation qui visent à protéger les productions locales.


Enfin, il reste de gros problèmes de commercialisation à surmonter, s’agissant notamment de ramener vers Tahiti les productions des îles. Un exemple hautement révélateur à cet égard en témoigne bien : celui de la « guerre des litchis » qui sévit chaque fin d’année du côté des Australes du fait d’une logistique qui n’est pas dimensionnée pour les besoins. Aux Marquises, en saison, les citrons pourrissent littéralement en tapis sous les arbres, comme les mangues ou les pamplemousses… Il reste beaucoup à faire pour rendre cette filière plus efficiente ».


Vous souhaitez en savoir plus ?

Dossier à retrouver dans votre magazine Investir à Tahiti #8



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