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Les surettes, acides groseilles locales


Textes et photos : Alix Bær


En saison on les distingue partout, les girembelliers, avec leurs grappes de drupes bombées comme des cerises, quand d’ordinaire, on ne regarde qu’un arbre indistinct parmi d’autres. En octobre, les surettes, ainsi qu’on les appelle à Tahiti, envahissent les branches. C’est le signe d’une prochaine cueillette et de futurs bonbons acidulés ou des confitures rouges et acides comme des groseilles.



Cet arbre, le girembellier, serait originaire de Madagascar, la grande île posée fièrement dans l’orient de l’Afrique. Il est également présent en Asie du sud-est, mais on ignore par quel chemin il a pu se trouver là. Il est arrivé dans les cales d’un navire européen, au 19e siècle dernier, quand c’était la grande marotte de peupler Tahiti et les îles de Polynésie orientale de milliers de végétaux venus d’ailleurs... avec parfois une réussite inespérée qui les fait aujourd’hui qualifier d’invasifs.


Il n’a rien d’exceptionnel : pas très grand, un tronc court, des branches épineuses tendues vers le ciel, un brin dégingandées, comme un ado qui a poussé trop vite durant les vacances d’été ; en août-septembre, ses feuilles caduques, oscillant entre le vert et le bleu, se parent d’une multitude de petites fleurs roses, fragiles, rassemblées en grappes. Elles donneront naissance aux fruits. Si vous voyez un arbre avec des surettes peu nombreuses, alors il s’agit d’un lointain cousin, sauropus androgynus.

Sous ce nom de dinosaure non genré se cache un arbuste « légume-feuille », fort consommé en Asie du Sud-Est. Quant à ses fruits, en murissant, ils deviennent violets, vous ne pourrez pas vous tromper.


La groseille étoilée ou « Groseille Otaheite », comme on l’appela au 20e siècle, est aussi proche du groseillier que le banian d’un fraisier de jardin...

Sinon pour ses fruits, qui disputent leur acidité avec ladite groseille, et qui n’ont rien à envier non plus aux cerises aigres. Le parfum de ces confitures d’ailleurs, sans être identique, est proche au palais.



Le petit fruit apparaît donc dans les derniers jours de septembre. On les appelle girembelles à la Réunion, surelles, surettes ou seurettes, selon l’orthographe qu’on veut bien leur donner, souvent fondée sur l’accent chantant, rond et roulé d’un vieux Tahitien, riant dans son jardin.


D’un jaune fragile tout d’abord, les grappes semblent prendre le soleil, qui transperce leur fine peau cireuse jusqu’à devenir jaune maïs. Gros comme des cerises (2 cm de diamètre environ), côtelées comme une tomate cœur de bœuf, ils sont aussi juteux qu’acides. On les déguste peu crus (sauf on aime plisser les yeux et rendre astringent tout l’intérieur de sa bouche...) presque toujours cuits.


Dans nos îles, on choisit de neutraliser leur acidité par le sucre, ou le sel. Trempés dans du sel de mer, les surettes deviennent un bonbon local, très apprécié des locaux et vendu surtout en bord de route, dans les magasins chinois et au marché. Cuites en confiture, ces groseilles exotiques agrémentées de sucre roux ou de coco apportent un goût acidulé inimitable à vos petits-déjeuners. Consommées fraîches, riches en pectines, minéraux et vitamine C, en jus mixé avec d’autres fruits plus doux, ces petites grédelles sont un excellent compagnon du matin. Confite, elle est utilisée en cocktails, notamment pour sucrer le maitai ou le ti-punch. La surette se prête aussi à merveille à une préparation en chutney.


Enfin, on peut la travailler comme un cornichon, en pickles. A l’apéritif, avec une terrine de pua’a, coriandre, re’a Tahiti et légumes croquants du jardin, vous n’y résisterez pas.



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