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Les déchets de poissons du port enfin valorisés

Depuis novembre 2023, la société TNB Water et compost récupère et transforme les déchets de poissons du port de pêche de Papeete en fertilisant. Local et 100% naturel, celui-ci a déjà fait ses preuves tandis que la société a posé les bases d’une filière prometteuse.


Texte & photos : Delphine Barrais



Chaque jour, 6 tonnes de déchets de poissons sont rejetées en mer. Ou plutôt, elles étaient.


Aujourd’hui et depuis le mois de novembre 2023, la société TNB Water et compost en valorise 500 à 600 kilos quotidiennement, elle espère passer sous peu à 2 tonnes. Une étape vers une valorisation généralisée de tous les déchets organiques et déchets de restauration du territoire. Cet objectif, ambitieux, est celui de Nicolas Bono fondateur de la société.


250 g de DÉCHETS organique par jour !

Nicolas Bono a déjà évalué le potentiel de la ressource sur le territoire. Il rapporte, par exemple, qu’une personne produit chaque jour 250 g de déchets organique, une poule rejette 40 g de fientes. Un élevage industriel de plus de 20 000 poules doit donc se débarrasser de 800 kg de déchets au quotidien. Or, TNB water et compost a le savoir pour les valoriser en fabricant un fertilisant (ou engrais) naturel, biologique, local.



La valorisation des déchets de poissons se fait à Papeari dans un BIOvator® sur un terrain agricole de 8 000 mètres carrés. « Il y a encore 6 mois, c’était un marécage », confie Nicolas Bono. La matière est récupérée au port de pêche, sans coût pour les armateurs. « Ces professionnels apprécient la démarche, notamment Vini Vini qui nous suit depuis le début et qui a déjà annoncé vouloir aller plus loin. »


Une solution RENTABLE et RESPECTUEUSE

Le BIOvator® est un composteur en acier inoxydable, en forme de cuve qui combine équipement et processus. Il a été mis sur le marché en 2004 et vise la transformation rapide de la matière organique en compost de qualité constante au coût et aux efforts de gestion les plus bas possibles. Le BIOvator® a fait ses preuves dans le traitement des déchets organiques et la gestion de la mortalité animale. En effet : l’incinération est coûteuse et nécessite beaucoup d’entretien, l’équarrissage comporte des risques environnementaux et réglementaires, les bâtiments de compostage nécessitent main d’oeuvre et espace. Le BIOvator® est une solution rentable et respectueuse de l’environnement.


Il élimine les risques de biosécurité et réduit bon nombre des préoccupations associées aux méthodes d’élimination plus traditionnelles. Par exemple, il n’y a pas de production de lixiviat (jus produits sous l’action conjuguée de l’eau de pluie et de la fermentation des déchets enfouis). À Papeari, une analyse bactériologique poussée est faite tous les mois par le laboratoire d’analyses Cairap (salmonelles, clostridium, entérocoques…). Elles reviennent négatives. « À l’intérieur du composteur, il fait naturellement 75°Celsius, ces bactéries pathogènes ne peuvent pas s’y développer. »


Construit au Canada, le modèle acquis par TNB Water et compost a de copieuses mensurations. Il mesure 17 mètres de long. Les déchets de poissons (têtes, arrêtes, queues…) y sont déposés avec un activateur naturel (la recette est, en partie, gardée secrète) et des copeaux de bois. Ces derniers proviennent de chantiers du territoire, « nous n’allons donc pas couper des arbres pour nos opérations », souligne Nicolas Bono. Ce sont des espèces invasives, comme par exemple le falcata. « Tout cela participe à la mise en place d’une économie circulaire soucieuse de l’environnement. »


Les déchets mettent 10 jours à traverser le composteur.

La transformation suit un processus aérobique (c’est-à-dire en présence d’oxygène), aussi n’y a-t-il pas, ou très peu d’odeurs. La machine tourne et fonctionne à l’image d’un tube digestif. En sortant, le fertilisant est récupéré dans un bac puis mis à sécher naturellement sous un chapiteau adjacent. Il reste 5 semaines supplémentaires à l’air libre avant d’être broyé puis mis en sac. Il est bio, certifié Eco-cert.

Avec 25 tonnes de restes de poissons, TNB Water et compost fabrique 8 tonnes de fertilisant. À ce propos, Nicolas Bono précise : « lorsque le pourcentage de NPK dépasse les 8% on ne parle plus de compost, mais de fertilisant ».


Les lettres NPK sont les symboles de trois éléments chimiques qui sont l’azote (N) apporté ici par la chair de poisson, le phosphore (P) apporté par les arrêtes et la potasse (K) apportée par le bois. L’azote favorise surtout la pousse des parties vertes de la plante (tiges et feuilles), leur précocité et leur développement. Le phosphore joue sur la formation des fleurs et des graines et sur le développement radiculaire. Il renforce la résistance naturelle des plantes aux agressions quelles qu’elles soient.


La potasse permet la floraison et le développement des fruits et de tous les organes de réserve tels que les racines et les tubercules. La coloration des fleurs et des fruits est améliorée ainsi que la résistance aux maladies. Ces trois éléments sont à la base de tout fertilisant. Nicolas Bono affirme que le fertilisant issu du composteur de Papeari joue bien son rôle. Il l’a testé et comparé sur des pieds de vanille. La différence est nette entre les plants enrichis et ceux qui ne le sont pas.


L’installation sur la commune de Teva i Uta s’est imposée. En effet, celle-ci mène un programme de traitement des déchets de restauration de la cuisine centrale, de l’école, de la prison. Elle s’est dotée, avec TNB Water et compost d’un petit composteur. « Nous les accompagnons depuis 2023 dans cette démarche en apportant notre savoir et savoir-faire. » Nicolas Bono travaille depuis quatre années avec la Direction de l’agriculture pour tester le compostage des déchets organiques, épluchures mais aussi fientes et lisier, des carcasses d’animaux. Il a dû apporter la preuve de l’innocuité du processus.

C’est chose faite. Ainsi, c’est toute une économie circulaire qui pourrait se mettre en place. « Pourquoi en pas monter un groupement par exemple ? Mutualiser les équipements ? », interroge Nicolas Bono.


En attendant, ses fertilisants (il produit en produit un liquide) sont disponibles en magasins. La construction de son deuxième composteur va démarrer dans une entreprise polynésienne.


« Je l’attends pour le mois de mars. » Les pierres de sont projet s’imbriquent, doucement mais surement.



Les déchets mettent 10 jours à traverser le composteur.




Vous souhaitez en savoir plus ?

Dossier à retrouver dans votre magazine Tama'a#30 - février 2024

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