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Moana Van Der Maesen : “J’ai envie de croire que l’humanité peut changer”

© Textes et Photos : Virginie Gillet


Moana Van Der Maesen, à 32 ans, à la force de conviction et l’énergie de ceux qui ont eu un déclic venu soudain donner un vrai sens à leur vie après un parcours un peu atypique. Un parcours fait d’expériences diverses qui l’a emmené vers ce à quoi il devait se dédier : la préservation de l’environnement. Initiateur du collectif Nana Sac Plastique, le jeune homme s’est glissé dans la peau d’un guerrier pacifique, bien décidé à mettre son existence en phase avec ses convictions profondes.



Né à Foix, en Métropole, d’un papa français d’origine flamande et d’une maman polynésienne originaire de Taha’a, Moana est arrivé sur le Fenua avant son premier anniversaire pour y grandir entre Taha’a et Tahiti. Après avoir entrepris des études littéraires (il rêvait alors de devenir archéologue), le jeune homme doit se résoudre à les interrompre pour se lancer sur le marché du travail. Lui qui n’avait jamais été très bon en maths se servira toutefois du “background en comptabilité” de son père pour exercer plein de “petits boulots” et accumuler ainsi les expériences. Essentiellement autodidacte, il finira par diriger une grande structure de 250 salariés dans la sécurité privée à Tahiti… avant de démissionner il y a un an et demi pour s’engager sur sa propre voie. Celle qui l’amènera notamment à monter Fenua Ora, un média en ligne qui “voit la Polynésie du cœur” et se veut entièrement dédié aux nouvelles positives.


Mais c’est la création du collectif Nana sac plastique, en mars 2017, qui le propulsera sur le devant de la scène. Aujourd’hui, il persiste et signe. Et multiplie actions et projets.

Moana, d’où te vient ta conscience écologique ?

“Disons que j’ai toujours été très proche de tout ce qui était spirituel et naturel, mais sans jamais être allé jusqu’au militantisme. Et puis en mars 2017, j’ai eu un déclic à partir d’un simple message laissé dans le local à poubelles de ma résidence ; un message qui précisait que les sacs plastique ne pouvaient pas être jetés dans les bacs verts parce qu’ils n’étaient pas recyclés.


Ce message a généré un questionnement qui m’a fait prendre la mesure de ma méconnaissance du circuit du tri.

Ma curiosité m’a poussé à aller me renseigner et j’ai découvert ainsi que les sacs plastique, chez nous, continuaient à être enfouis ou à finir dans les écosystèmes sans que personne ne s’en soucie vraiment. Et ce alors que de nombreux autres pays ont déjà pris des dispositions pour en finir avec eux. Les gens du gouvernement rencontrés m’avaient répondu : “Faire des textes pour faire des textes, ça n’amène jamais rien de bon ; il faut faire comprendre autrement aux gens qu’il est nécessaire de changer”.


Le lendemain, j’ai créé la page Facebook Nana sac plastique avec ce message basique : “Dites au revoir aux sacs plastique pour sauver notre Fenua. L’impact a été énorme dès les premiers jours et les sollicitations des médias ont été immédiates. Mais aussitôt après le lancement de ce mot d’ordre, il fallait être dans une seconde démarche, celle de proposer des solutions et des alternatives qui existent déjà. C’est pourquoi nous nous sommes rapprochés de la fondation Surfrider, déjà auteure d’une charte, pour nous aider à co-rédiger une charte locale à proposer aux commerçants de la place. Aujourd’hui, ils sont 112 à l’avoir signée et donc à s’être engagés à arrêter les sacs plastique, en échange de quoi ils reçoivent des affiches et des macarons du collectif, qui est un peu connu maintenant. Nous avons également mis en ligne une pétition, qui a atteint aujourd’hui 7 000 signatures, pour accentuer la pression sur les autorités afin de faire bouger les choses. Et cela a déjà porté ses fruits puisqu’elles se sont engagées à interdire les sacs plastique au premier semestre 2019. Néanmoins, nous avons l’intention de rester vigilants afin que tout ceci n’en reste pas au stade de belles paroles et nous visons toujours les 10 000 signatures.


Après, nous veillons aussi à ne pas fragiliser des sociétés ni fermer des emplois. Il y a un éveil des consciences qui peut vraiment permettre aujourd’hui de faire bouger les choses en douceur à notre sens, même si les revendications écologistes ferment encore des portes. ”

Nana sac plastique est rapidement devenu un collectif. Comment fonctionnez-vous ?

“Nous sommes un collectif qui compte aujourd’hui 9 membres du bureau, plus ou moins actifs, mais qui discutent beaucoup ensemble de manière collégiale. Certains vont, viennent et reviennent, apportant avec eux des savoir-faire spécifiques d’une manière à la fois très fluide et engagée. Les dernières à nous avoir rejoints sont une ingénieure et une chargée de projets. Nous sommes presque victimes de notre succès car de plus en plus souvent les gens nous sollicitent pour intervenir quand il n’y a pas de réponse des autorités, qui ne mesurent pas toujours bien les problématiques.


En tout cas, nous avons été très étonnés et heureux d’apprendre que nous comptabilisions aujourd’hui 8 000 interactions par semaine sur notre page et touchions dans le même temps 70 000 personnes. Ce qui n’est vraiment pas rien et témoigne d’une vraie prise de conscience. C’est pourquoi nous avons aussi décidé de créer l’association Tia’i Fenua (les gardiens de la Terre) afin d’avoir un autre statut juridique et de pouvoir mener des actions concrètes.”


Comment parvenez-vous à vous financer ?

“Essentiellement sur fonds propres jusqu’à présent. Lors de certains gros événements, nous avons eu des sponsors. Il y a aussi des opérations menées conjointement avec des commerçants qui acceptent de nous reverser 100 Fcfp, par exemple, sur des produits identifiés dans leurs magasins. En octobre 2017, nous avons également reçu une subvention du ministère de l’Environnement, mais nous avons fait le choix de nous détourner à l’avenir de cette source de financement afin d’éviter toute récupération politique. Nous préférons essayer de nous débrouiller autrement pour rester autonomes et donc impartiaux. À partir de là, tout le monde a le droit de nous aider et nous sommes d’ailleurs en train de monter un site Web à des fins notamment de levées de fonds. Notre but serait, à terme, de créer une fondation, avec des salariés, afin de travailler véritablement et plus activement que jamais à cette grande cause globale de l’environnement.”


“Tout l’argent du monde ne peut pas racheter la vie et nous nous condamnons nous-mêmes ainsi que les générations futures si nous ne faisons rien.”

Quelles sont les actions déjà menées dont tu es le plus fier ?

“Lors de notre première grande opération de nettoyage de Tahiti et ses îles l’an passé, je pensais que nous serions quelques dizaines et nous avions déjà réussi à mobilier plus de 300 personnes. Et cette année, ça a été beaucoup plus. Et puis il y a l’engagement via la charte avec tous ces commerçants, de Tahiti jusqu’aux Marquises et aux Tuamotu. Les gens nous contactent de plus en plus spontanément. Nous les valorisons sur nos réseaux sociaux et certains vont même plus loin que nous. Mais nous veillons également à ce que ce ne soient pas juste des effets d’annonce, du marketing non suivi d’effets.”


Que penses-tu du succès remporté par vos actions et quels sont vos projets ?

“Je pense que cela témoigne d’une véritable prise de conscience que nous souhaiterions

voir s’amplifier. C’est pourquoi, après les sacs plastique, nous avons eu à cœur de nous attaquer au problème des pailles et de tous

les contenants plastique à usage individuel.

En parallèle, nous acceptons de défendre,

de soutenir et de nous associer à tous les projets qui sont en cohérence avec nos valeurs.

Pour nettoyer une plage, on n’a pas besoin de subventions, juste de la volonté de se retrousser les manches. Nous avons particulièrement envie d’œuvrer pour la création d’aires marines protégées car, sans la mer, le Tahitien n’est rien. Soyons précurseurs pour une fois. Nous tenons également des ateliers dans des écoles, nous sommes même intervenus en prison, pour sensibiliser la population, et plus encore les jeunes générations, en mettant surtout l’accent sur le fait qu’il y a des solutions qui existent, mais il faut se donner les moyens. Notre plus gros projet, complètement philanthrope, concerne un centre dédié au développement durable et à l’environnement, qui intègrerait plusieurs structures pour dispenser des modes de consommation alternatifs et repenser le système et l’éducation, à l’instar de la Green School de Bali.”



Dans quel état d’esprit es-tu par rapport à la situation globale de notre planète ?

“Parfois, quand on lit certaines choses, on ne peut être que désespéré. Après, il faut enfin intégrer que les gouvernements sont aux mains partout sur la planète des grands lobbies industriels, mais qu’en face il y a aussi un vrai poids des consommateurs. Ça ne sert à rien de rejeter tout le temps la faute sur l’autre, tout est lié. Tous nous pouvons encore changer les choses, demain, en arrêtant de manger de la viande, de consommer comme nous le faisons. Nous sommes tous responsables de ce qui est en train d’arriver. Et je veux croire que l’humanité peut changer.”


Parmi les alternatives locales au sac plastique, le sac en papier, mais aussi et encore mieux le traditionnel panier en pae’ore ou encore les sacs en fibres de canne à sucre ou en amidon de maïs que certains commerçants ont déjà commencé à importer.

Si tu devais émettre un vœu pieux pour la Polynésie, le monde, pour 2019 et les années suivantes, quel serait-il ?

“Que l’homme se souvienne de son lien à la nature. C’est pour elle qu’il faut se battre aujourd’hui car elle est plus que jamais meurtrie et menacée. À quoi sert tout l’argent du monde sur une planète qui ne peut plus te faire vivre ni te protéger ? Il faut que la nature soit au cœur de toutes nos préoccupations, un sujet transversal pour tous les gouvernements. Il faut quitter ce quotidien oppressant qui inhibe les émotions pour qu’on arrive enfin à vivre en harmonie avec toutes les espèces qui cohabitent avec nous sur cette planète et n’ont pas demandé à souffrir. Ça passe par la compassion, l’amour, la bonté.”



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