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Tarodière Rurutu

A rurutu, il y a 35 hectares de tarodières exploitées de manière familiale. Toutes sont certifiées bio. chaque taroculteur dispose d’une petite parcelle qu’il entretient comme ses aînés s’y attelaient avant lui. Joseph SHI-NOG, formateur à la MFR, à 1 200 m2. il fait perdurer la tradition en enseignant les gestes aux élèves de l’établissement.


© Texte & photos : Delphine Barrais


À Rurutu, les tarodières sont partout, comme ici en lisière de Moerai.
À Rurutu, les tarodières sont partout, comme ici en lisière de Moerai.

À Rurutu, les tarodières sont partout, les aînés produisent et récoltent, les plus jeunes suivent l’exemple. Les élèves de la maison familiale rurale de Rurutu apprennent à cultiver le taro, mais également les légumes. « En plus, il leur faut connaître la maintenance du matériel. Par exemple, on leur montre le four traditionnel, le umu’ai », ajoute Joseph Shi-Nog, formateur. Sa propre tarodière jouxte celle de l’établissement.

Les tarodières ont été mises au point par les anciens. Des rivières ont été en partie détournées pour alimenter les parcelles en eau tout au long de l’année. Le système fonctionne toujours, sauf en cas de grandes sécheresses.

« Ce qui arrive désormais quelques semaines dans l’année en raison du changement climatique », constate Joseph Shi-Nog. Chaque famille en possède au moins une. « Si t’as pas de tarodière, t’es pas Rurutu », assure le formateur.


Si t’as pas de tarodière, t’es pas RURUTU
 

Auparavant, une vingtaine de variétés étaient cultivées sur l’île. Elles sont aujourd’hui une quinzaine, mais celles qui plaisent le plus et qui sont donc majoritaires dans les champs se comptent sur les doigts d’une main. Ce sont les mana’ura, les apo et vare’au. Les autres sont mises en terre, pour les concours de juillet, voire pour la foire agricole (’amoa, manavane’ere’ere, manavane teate, rapa ta’ito ou encore rapa teate, rapa ta’ito ou encore rapa teatea).

 

UN ENTRETIEN PERMANENT

L’entretien des tarodières se réalise par étapes. D’abord, il faut travailler la terre. « On enfonce une pelle, on détache la terre contenue dans la pelletée, puis on dépose et on empile les pelletées les unes à côté des autres. » Ensuite, il faut installer le paillage sur le sol. Ce dernier est composé de feuilles de bananiers et letchis, notamment, qui viennent amender le sol. Une couche de feuilles de cocotier est toujours placée en surface. Les palmes sont disposées en quinconces pour tenir bon face au vent. La technique est infaillible.

« Cette couche doit être suffisamment serrée, pour maintenir l’humidité, et surtout limiter la pousse des mauvaises herbes. »

Les taros sont plantés à l’aide d’un bois appelé rā’au tanu. Découpé dans du ’aito, conservé dans l’eau pour rester le plus lourd possible, il consiste en un manche terminé par une sorte de cylindre allongé. Il permet de faire des trous dans le paillage pour y glisser les rejets.




La mise en terre est fonction de la lune et de la marée qui décideront de la taille du taro, de la quanti- té de rejets… Les taros sont récoltés avec un pieu pointu, en bois, lui aussi, le rā’au pana. Le taro, une fois recueilli, est épluché, découpé, conditionné.


Une partie reste à la maison pour la consommation du foyer, mais la grande majorité de la production part en bateau vers Tahiti.


Les feuilles, elles, sont blanchies et conservées au frais en attendant de passer au four. La récolte a lieu au bout d’un an.


Mais il faut, au moins une fois par mois, aller désherber, nettoyer les petits canaux qui enserrent les parcelles, passer la débroussailleuse sur les chemins qui permettent de circuler.



« ON NE VIT PAS D’ARGENT »

Les taroculteurs qui se laissent dépasser par le temps peuvent compter les uns sur les autres. « Il m’arrive par exemple de travailler avec des élèves sur une parcelle qui n’est pas la mienne ou qui n’est pas celle de la MFR pour rendre service. En échange, on reçoit un cochon, ou des denrées alimentaires pour la cantine », raconte Joseph Shi-Nog.


« On ne vit pas d’argent, mais de ce que l’on trouve autour de nous ! »




Il est le président d’une toute nouvelle coopérative, baptisée Rima ora no Rurutu, officiellement lancée en juin 2024. Elle regroupe une trentaine d’adhérents et s’est donnée pour mission d’aider les taroculteurs à s’équiper notamment. « On aurait en particulier besoin d’une drague ». Pour que les nouvelles générations prennent le relais, il faut faire évoluer, un minimum, les conditions de travail par exemple : aujourd’hui « on ne fait plus sans débroussailleuse ».






TARO : QUALITÉS NUTRITIONNELLES ET VERTUS

Les tubercules de taro ont une chair crème et une texture sèche un peu farineuse. Riches en amidon et en fibres alimentaires, ils doivent être cuits, car ils sont toxiques s’ils sont consommés crus. En effet, le tubercule comme les feuilles contiennent de minuscules cristaux d’oxalate de calcium acérés qui risquent de provoquer des démangeaisons dans la bouche si la plante n’est pas bien cuite.


Traditionnellement, le tubercule non épluché était grillé sur des pierres chauffées à blanc ou rôti au four traditionnel. Il se conservait sous forme d’une pâte fermentée, le pōpoi. Pour en confectionner (il est toujours consommé aux Australes), les taros sont cuits et pelés, puis écrasés pour former une bouillie épaisse, enveloppée ensuite dans des feuilles ’autī ou de bananier.


Maintenant, il se prépare à peu près de la même façon que la pomme de terre : bouilli, à la vapeur, en purée, frites, chips… On trouve également des produits inattendus à première vue, comme la glace. À Tahiti, les jeunes feuilles de taro servent à la préparation du fāfā. Aux Australes, celles-ci sont cuites au four traditionnel avec du gingembre, des oignons et un filet de lait de coco.


Depuis longtemps, le taro est utilisé en pharmacopée traditionnelle grâce à ses vertus anti-inflammatoire, antidouleur et digestive. Les feuilles permettent de traiter la diarrhée, la transpiration ou de petites infections cutanées. Les fleurs soulagent des maux d’estomac et de ceux dus aux hémorroïdes.


Les taros sont épluchés, découpés et conditionnés dans des sacs. Ils sont conservés au frais en attendant le bateau. La peau des taros est mise à cuire dans des marmites. Elle sert de nourriture aux cochons.

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