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ARANUI 5

La croisière devenue mythe


Dans le Pacifique sud, les légendes naissent au creux des vagues, de la beauté des îles croisées sur une route invisible. Un lagon bleu baigné de sables roses ? C’est le lieu de naissance d’un dieu ancien. Une huître perlière donnant naissance à une perle aubergine aux reflets d’azur ? C’est une larme de Hina, déesse de la lune. Un navire de croisière qui rejoint les Marquises en prenant la route des atolls pa’umotu ? C’est le navire Aranui, lien mythique avec la Terre des Hommes. Tama’a ! a partagé quelques jours de ce voyage culturel et gourmand.


Bienvenue à la table de l’Aranui.

 

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Nous attendons sur le quai de Avatoru, à Rangiroa.

Une mama qui tresse habilement du pandanus, pour en faire un kete (panier en pa’umotu, ’ete en reo ma’ohi), m’interpelle gentiment :

" Et toi, où tu vis ? "

Je réponds, un peu fièrement d’être une locale :

" A Papeete, Mama, depuis 14 ans "

Elle lève les yeux au ciel, pleine de compassion :

" Ayaaa… Alors toi aussi, tu vis chez les fous ? "

Et elle éclate de rire.


Il faut comprendre, dans l’isolement des atolls de l’archipel des Tuamotu, dont les ciels profonds baignent ces atolls dans la paix directe de l’infini, que la capitale polynésienne, avec son bruit et sa fureur, manque de plénitude et de silence.


Arriver dans ces atolls en bateau est une récompense. L’avion est un lien utile, mais sans la magie de l’attente et de l’approche. En bateau, que ce soit un haut navire de croisière ou un catamaran, ces îles, hautes de leurs montagnes dressées ou frôlant juste la houle de leurs cocotiers, se font désirer. Elles se dévoilent peu à peu, dans un jeu de séduction avec l’océan qui peu à peu révèle l’île, attisant le désir.



Arrivée à Rangiroa

L’Aranui a coupé les moteurs une fois la passe franchie. Deux lourdes ancres ont roulé dans un bruit de tonnerre jusqu’aux fonds sableux. Le lagon est calme, l’énorme navire semble endormi. En fait, l’équipage s’active dans les barges. Les unes transportent les touristes ravis jusqu’à la plage, les autres chargent et déchargent le fret. L’Aranui est en effet un navire mixte de croisière et de fret, lien essentiel avec ces îles du bout du monde, Tuamotu, Marquises. A l’arrière des barges, les palettes de légumes, sacs de coprah et autres cocos ou fruits frais prennent le chemin du bateau et s’amoncellent en un temps record dans les cales. A terre, l’on se fait raconter la furie des guerriers Parata de Ana’a, les perles des atolls, la vie douce sur les motu aux sables roses ou les plongées exceptionnelles dans les passes de cette île basse au nom enchanteur de Ciel immense.


Vivre un saut dans l'histoire

Arriver dans ces îles avec l’Aranui est une expérience unique, à vivre au moins une fois dans sa vie. Nul autre navire du Pacifique n’arrive à mêler avec autant de vérité l’esprit de croisière et de lien indéfectible avec ces terres qu’il ravitaille.


A Papeete, vous embarquez sur le quai d’honneur, où les pahu marquisiens font résonner le front de mer du son lointain de la Terre des Hommes, invitation profonde au voyage, à l’exploration. Se retrouver à bord, après les formalités d’usage, est une récompense. Enfin, ce voyage tant désiré est à portée de réalité.


La croisière part pour 15 jours de découverte :

Marquises, Tuamotu, Bora Bora seront les étapes d’un voyage initiatique et gourmand.

L’équilibre entre les rencontres, la culture, les excursions à terre, les temps de navigation, les moments de bien-être et de restauration est juste parfait sur l’Aranui. En fait, je ne crois pas l’avoir connu avec autant de naturel sur aucun autre bateau. Tout s’enchaîne comme si la ligne du temps faisait couler les heures et les moments du jour avec un naturel surnaturel.


Art de vivre à bord

La météo durant le voyage est favorable. Quelques ondées rincent le pont de temps en temps, délavant le ciel et faisant ruisseler le sel des embruns le long des passerelles et du bastingage.

Du haut du pont supérieur, j’admire l’atoll de Tikehau s’imposer peu à peu à l’océan, qui semble pourtant pouvoir n’en faire qu’une bouchée quand bon lui semble. On s’active sur le quai, les enfants courent pour saluer leur navire préféré. Déjà les couleurs chatoyantes et vives des robes et pareu des mamas et le vert turquoise du lagon s’estompent. La mousse d’écume fraîche qui s’épanchait sur le sable farineux de la plage devient un trait blanc diffus. En fermant les yeux, on ressent une certaine mélancolie qui semble monter des entrailles de l’île, partageant avec le visiteur sa solitude et sa fragilité.


Il est temps d’aller se rafraîchir. Fruits, jus, laits et eaux de coco nous attendent. Et puis, la promenade dans le village m’a donné faim. Tiens, c’est lunch time, remarquent les touristes kiwis du bord. Il est temps de « tama’a », comme on dit dans nos îles. Les tables sont dressées sur deux étages des ponts, à l’arrière du bateau, où se situe la piscine. Les buffets sont ornés de salades variées, de sandwichs toastés, d’une multitude d’entremets qui, entre brunch et dîner, apportent l’énergie nécessaire à la sieste, au farniente, à la conférence ou à l’excursion qui vont suivre.



A la table de l'Aranui

L’Aranui est un dédale de couloirs et d’étages débouchant sur des havres de paix : salons, bars, lounges, terrasses, deck… On s’y prélasse, dans la brise de mer caressée d’embruns, on s’y régale de cocktails colorés et savoureux, on y mange enfin, dans le rythme régulier du réveil endormi qui a besoin d’un brunch conséquent, des excursions du matin qui éveillent les sens pour le déjeuner ou des après-midis langoureux qui déroulent le temps infini jusqu’au dîner. La table de l’Aranui est réputée jusqu’aux confins de la terre.


En cuisine, on s’active pour le dîner. Le chef Henere Adams est aux commandes. De belles langoustes fraîchement pêchées ont l’honneur de la table ce soir. Le cognac entraîne sans modération la flambée du noble crustacé. A l’office, Yann Picard prépare minutieusement sa mise en place des desserts. Les tables ont été dressées dans l’un des restaurants qui accueille le dîner. Le navire semble presque vide. Les passagers se préparent dans leur cabine, tandis que d’autres profitent d’un cocktail à la fraîcheur du skybar, dans un des confortables fauteuils de ce lounge perché en haut du navire, avec une imprenable vue sur l’océan infini.



L'arrivée aux Marquises

La brume de mer a longtemps masqué notre destination tant désirée : Te fenua Enata, la Terre des hommes. A l’aube, Nuku Hiva s’est dressée devant d’un coup, comme jaillie des profondeurs, embrassant de ses hauts pics le lumineux soleil venant des confins

de l’horizon.

Les Marquises ainsi découvertes sont un des moments les plus forts du voyage. D’abord parce qu’ici, malgré les 4x4 et le wifi, le temps s’est arrêté. La culture, forgée de tatouages,

de danses et des langues particulières de ces îles, a longtemps été menacée. Elle est revenue plus forte, dans un renouveau identitaire que la population partage avec un rare plaisir avec les visiteurs qui se déplacent ici, à 1400 kilomètres de Tahiti. Ne vous privez d’aucune excursion sur ces terres riches d’un passé étonnant, fait de marae, de pae, de tikis, de légendes et d’histoire exceptionnels, sans oublier les années plus récentes, où des personnages forts, Gauguin, Brel, ont marqué les lieux.

Déjeuners et dîners font partie des moments forts d’une croisière. Mais c’est ici encore plus particulier. En effet, la brigade de l’Aranui prend à cœur de dévoiler les saveurs des archipels polynésiens traversés, d’en révéler l’originalité : tartare de thon des profondeurs, korori des atolls perliers, tubercules des fosses à culture des grands atolls, curry de chèvres sauvages ou langoustes des Marquises, coco de toutes les îles visitées, vanille ou fruits des îles hautes...


Eternelle Bora Bora

Voir Bora Bora et puis mourir (le plus tard possible quand même), c’est vrai. Voir Bora Bora depuis l’Aranui, c’est admirer une vue paradisiaque que l’on pensait réservée à l’au-delà. Si le lagon éclate de ses couleurs quand l’avion de la compagnie locale salue le mont Otemanu avant d’atterrir sur le motu Mute, l’arrivée en bateau dans la passe Teavanui qui salue à droite le motu Tapu et à gauche le motu Ahuna, face à Vaitape et la baie de Fa’anui, assèche la bouche, affadit les mots : tant de splendeur dévoilée est irréel. Je ne sais pas pour vous, mais après tant d’émotions, mon corps réclame un peu de douceurs sucrées. Le chef pâtissier a concocté deux desserts magnifiques, légers et savoureux : un délice des Iles, composé d’une dacquoise au coco, une mousse à la banane et une autre aux fruits de la passion, légères comme un nuage, un ganache au chocolat au lait, sans oublier le marbré café. Par gourmandise, nous fondons sur le fondant chocolat, sa banane frite et sa mousse au coco. Craquer plus serait pécher.


La nuit s’endort dans un ciel profond rempli d’étoiles. Sur le pont arrière, on prend le temps d’être bercés par la brise nocturne qui apporte des parfums méconnus de tiare, de frangipaniers, embrassant la minéralité des embruns pour une fragrance irréelle. La fraîcheur me saisira quelques heures plus tard. Je m’étais endormie.



Un voyage toujours trop court

Le retour sur Tahiti se fait de nuit, après un inoubliable dîner. Le chef a prévu pour ce dernier repas quelques-unes de ses spécialités. Les dressages des assiettes sur le navire n’ont rien à envier à un restaurant bistronomique : autrement dit fins, soignés, avec une cuisine goûteuse, respectueuse de la qualité des produits servis, le plus possible issus des terroirs des îles traversées. La salade de quinoa avec crevettes et saumon mariné apporte une fraîcheur à l’entrée que nous soulignons par un verre de sauvignon blanc des bords de la Loire. Exquis !


Le filet de bœuf Rossini qui suit, avec sa purée de kumara (patates douces en pa’umotu, ’umara en reo ma’ohi) nous emmène sur Aotearoa, terre d’élevage des bœufs de Nouvelle-Zélande. Quand on vous dit que, sur l’Aranui, le voyage ne s’arrête jamais.

Nous vous invitons vivement à faire ce voyage initiatique. Vous serez bien sûr conquis par la découverte des atolls visités ou admirés de loin, et bien sûr des îles hautes, que ce soit Bora Bora et son éternel lagon ou les Marquises intemporelles. Durant ce voyage, la table de l’Aranui sera aussi, à sa manière, une autre façon de découvrir la Polynésie.



Plus d’informations sur : www.aranui.com



Magazine Tama’a n°11 – décembre 2019


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