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Direction de la biosécurité

  • 18 juil.
  • 10 min de lecture

Une mission : protéger le fenua !

C’est le conseil des ministres, par l’arrêté n° 169 du 17 février 2017, qui a défini la mission et les compétences de la Direction de la biosécurité : proposer, organiser, informer et intervenir afin de prévenir et gérer les risques pesant sur la santé des végétaux, des animaux et des personnes qui sont à leur contact ou en contact avec leurs productions. Pour mener à bien cette mission, près de 80 personnes travaillent chaque jour dans ce service.


© Texte : Agence Smile - Photos : Biosécurité

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La biosécurité dépend du ministère de l’Agriculture.

Ce service a été créé pour :

  • protéger la santé des consommateurs concernant les risques liés à l’abattage ou en surveillant notamment les risques de salmonelle sur les poules pondeuses. Des inspecteurs sont chargés de cette inspection ;

  • réguler l’utilisation des pesticides. Un certain nombre d’entre eux a été interdit, comme le glyphosate, désormais réservé aux professionnels. Si le ministère de l’Agriculture, via la DAG, mène des études sur les résidus de pesticides dans les produits agricoles (études qui prouvent, année après année, que la majorité des produits sont égaux ou inférieurs aux mesures attendues), c’est la biosécurité, via les ingénieurs du service, qui réglemente l’utilisation des pesticides et vérifie qu’ils sont usités conformément à cette réglementation ;

  • veiller à ce que le fenua – qui a la chance d’être à l’abri de nombreuses maladies, virus, bactéries, pestes diverses, dont souffrent cultures et animaux dans le reste du monde –, demeure protégé. Or, les menaces et les risques s’avèrent multiples.


Inspection de produits alimentaires qui partent dans les îles, sur les quais interinsulaires
Inspection de produits alimentaires qui partent dans les îles, sur les quais interinsulaires


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Veille sanitaire

Pour les pestes végétales, le travail de surveillance est constant, car la Polynésie est soumise à une quantité énorme d’importations de produits végétaux vivants. Or, les virus, acariens et bactéries qui traînent dans le monde sont innombrables. Certains parviennent parfois à passer. Le dernier en date était le virus de la mosaïque (PVY), qui a attaqué les tomates en arrivant au fenua… par les pommes de terre. Car tomates et pommes de terre sont de la même famille. Ce virus est reconnaissable par une mosaïque (marbrures et taches noires) sur les feuilles, ainsi qu’une nécrose des tubercules et des fruits. C’est pour cette raison que l’on trouvait très peu de tomates en mai dernier dans les magasins.


 Comment prévenir ces attaques phytosanitaires ?

La règle internationale exige du pays émetteur d’assurer des contrôles, selon des normes internationales. La Polynésie est soumise aux mêmes contrôles quand elle exporte. Les services de biosécurité de différents pays collaborent de façon très constructive ; des réunions annuelles sont organisées pour que les certifications soient faites correctement. Le pays exportateur vérifie aussi la conformité de son exportation, se renseigne sur les normes du pays importateur. À réception des produits, la conformité des documents est impérative. Des inspections visuelles peuvent ensuite être menées, ainsi que des traitements quand cela s’avère nécessaire.


Toutes les espèces du fenua, végétales ou animales, sont susceptibles d’être attaquées. Le taro, par exemple, est de la famille des Aracées. C’est pour sa protection que les importations de philodendrons (plantes d’ornement intérieur) sont interdites, car ils appartiennent à la même famille. Les bananiers sont de la même famille que le gingembre (re’a tinitō) et autres curcuma (re’a Tahiti). C’est pour cette raison que les importations de gingembre entier sont également prohibées, tandis qu’en poudre, traités industriellement, ils ne présentent pas de danger.


Il faut bien comprendre qu’une fois un virus présent, on ne peut pas, sauf en de rares cas, l’éradiquer. Il faut apprendre à vivre avec. Ainsi, quand une personne rapporte de son voyage des graines ou des plants dans ses bagages, il met en danger les écosystèmes du territoire polynésien.


Contrôle des pièges à oryctès, redoutable xylophage surnommé scarabée rhinocéros
Contrôle des pièges à oryctès, redoutable xylophage surnommé scarabée rhinocéros
Le pays exportateur vérifie aussi la conformité de son exportation

Certificat, saisie, blocage ou amende

Pour éviter cela, la biosécurité a mis à disposition un réseau de fournisseurs agréés, en mesure de fournir ces plants. Pour faire venir ces plants, il faut au préalable demander un permis d’importation au pays émetteur, qui respecte les règles qui ont été fixées pour que telle ou telle plante puisse entrer[1]. L’organisme certificateur du pays concerné vérifiera que l’exportation est conforme et renverra le certificat idoine à la biosécurité à Tahiti. D’autres produits sont autorisés à l’importation, sous réserve de recevoir un certain nombre de traitements. Les personnes intéressées peuvent formuler leur demande à la biosécurité. Avec les marchés principaux, c’est assez rapide. Avec un pays avec lequel les échanges restent plus rares, ça prend parfois un peu plus de temps, notamment pour appréhender les statuts sanitaires du pays en question. Ce sont les agents du service qui mènent cette enquête. Il est possible que ce soit plus long pour les nouvelles espèces, car il y a un examen préalable nécessaire, lequel est effectué par la Direction de l’environnement (la DIREN), afin de prévenir l’importation d’une espèce potentiellement envahissante.

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas penser importer une plante achetée sur un marché quelconque sans se soucier des conséquences dramatiques que cet égoïsme est susceptible de provoquer.


[1] Pour des plants de taro, il sera possible de faire venir des plants in vitro, qui sont indemnes de virus, dès 2025, soit dès que la quarantaine végétale de la DAG sera opérationnelle. Leur sevrage sera alors réalisé à Tahiti directement, par des personnes qualifiées.


Le parcours d’Yves Laugrost, en poste depuis mars 2024

Ingénieur en agronomie, le directeur de la biosécurité a commencé son parcours au fenua au lycée agricole de ’Opunohu, avant de rejoindre le ministère de l’Agriculture en tant que conseiller technique. Par la suite, il est entré au SDR (SER à l’époque), qui est devenu la Direction de l’agriculture (DAG). Il a ensuite travaillé comme permanent, puis trésorier au syndicat A Ti’a i Mua, avant d’être président de la CPS, puis de rejoindre la DAG, avant de postuler à la direction de la biodiversité, au sein de laquelle le ministère a retenu sa candidature en 2024.


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Quelle crainte spécifique concerne les élevages polynésiens ?

Concernant les produits animaux, la crainte majeure demeure la peste porcine pour les élevages de porcs et la grippe aviaire pour les volailles. Dans les deux cas, cela signifierait l’abattage total du cheptel. Il y a aussi la maladie d’Aujesky (ou pseudorage) sur les porcs, maladie virale souvent mortelle, surtout chez les porcelets, et hautement contagieuse. Des pays comme l’Italie sont touchés par la peste porcine : toute importation de charcuteries italiennes (le virus de peste porcine reste vivant dans les charcuteries, même cuites, donc potentiellement dangeureux) est prohibée jusqu’à nouvel ordre. En revanche, les produits qui viennent de France ou d’Espagne, exempts de peste porcine, sont autorisés à l’importation.



Les élevages bovins et caprins, notamment, restent sous la menace de la fièvre aphteuse, qui réside dans les fourrages. Importer du foin nécessite donc un certificat zoosanitaire, pour être certain que l’importation de foin n’apportera pas ce virus. D’autres virus présentent un risque de contamination de nos élevages de crevettes. La vigilance comme la prise de conscience du danger doivent être constants. En période de fêtes, l’importation d’huîtres comestibles de France, entre autres, est ainsi très encadrée, car cela pourrait mettre en danger notre faune marine, nos crustacés et nos mollusques comestibles.


Les Marquises sont exemptes de beaucoup de pestes

Pourquoi l’importation de miel est-elle interdite ?

Une menace importante, cette fois pour les abeilles, est le varroa destructor. Cet acarien parasite existe quasiment dans le monde entier. Très peu de pays en sont exempts. Il serait très destructeur pour nos ruchers, qui sont déjà touchés par la loque. Aujourd’hui, le travail consiste à essayer d’éradiquer la loque américaine, via un suivi des ruchers sur toutes les îles. Les apiculteurs ont l’obligation de déclarer sa présence de manière à la circonscrire, petit à petit. Puis, quand une île est déclarée exempte, il n’est plus possible d’y apporter du miel d’ailleurs, y compris d’une autre île de Polynésie.


C’est pour cela qu’un contrôle à l’importation a été mis en place et que le miel extraterritorial, comme tous les sous-produits mellifères, demeure interdit. Pour les apiculteurs professionnels, qui font venir de la cire de France, par exemple, des traitements très particuliers d’irradiation des cires sont exigés, pour s’assurer que le varroa et la loque américaine sont détruits en même temps.


Inspection de navires à quai de Papeete. Chaque recoin, qui abritre une menace potentielle, est inspecté.
Inspection de navires à quai de Papeete. Chaque recoin, qui abritre une menace potentielle, est inspecté.

Les importations des particuliers

En tant que particulier, j’importe un conteneur (déménagement, équipements). Sera-t-il vérifié ?

S’il y a des produits d’origine végétale à l’intérieur, oui, car le transitaire est censé donner aux douanes toute la liste des articles. En fonction de ce qui est déclaré, les douanes se tourneront vers la biosécurité.



Le frelon asiatique est-il une menace ?

Oui, d’autant plus qu’il n’arrivera pas avec une importation de produits alimentaires, mais via d’autres produits : des voitures, des meubles, des importations non alimentaires qui, au fenua, ne sont pas contrôlées, contrairement à d’autres pays de la région, comme l’Australie, où le moindre carton, tout matériel électronique, tout véhicule sont soigneusement inspectés, au cas où un nid se serait installé quelque part. Pour prévenir ces menaces, des réseaux de veille sanitaire ont été instaurés, autour du port, autour de l’aéroport, dans beaucoup d’îles. Des pièges ont été posés, lesquels sont relevés régulièrement pour savoir si quelque chose est rentré sur le territoire et, le cas échéant, pour essayer de le traiter le plus rapidement possible.


Prenons l’exemple d’une peste alarmante qui est quasiment présente dans tous les pays tropicaux : le rhinocéros du cocotier, coléoptère ravageur. Il encercle la Polynésie française, mais n’est jamais entré au fenua. Cela fait 50 ans que l’on réussit à se protéger. Comment ? Tous les navires sont contrôlés avant qu’ils ne rentrent au port. Aucun bateau n’a pas le droit d’entrer la nuit (ce coléoptère est un insecte qui ne vole que la nuit). Si le navire vient d’un pays infesté, ses cales sont traitées, au moins celles qui sont concernées par une importation de produits à Tahiti. C’est systématique. Quelques heures après le traitement, le cargo peut reprendre son activité. Cette vigilance demeure quotidienne : 1 à 2 bateaux par jour sont inspectés, 7 jours sur 7, toute l’année. Tous les bateaux sont concernés, pas uniquement ceux d’importation, mais aussi ceux de pêche qui viennent de l’étranger, qui relâchent tout autour de la ZEE polynésienne, interdite de pêche. Susceptibles de ramener des pestes, ils sont vérifiés et, en cas de problème, traités.


le rhinocéros du cocotier, coléoptère ravageur, encercle la Polynésie française, mais n’est jamais entré au fenua.

Quelle est la fonction de l’unité de Motu Uta ?

Actuellement[1], c’est la zone de traitement pour les îles des produits végétaux qui sont expédiés, de manière à éviter de transmettre des pestes dans les îles. Ces traitements sont réalisés par un pesticide gazeux, le bromure de méthyle, qui éradique la présence de tout insecte potentiel sur la plante. Les glacières de produits divers (alimentaires, etc.) sont également vérifiées, de façon systématique.

À Motu Uta, sont également contrôlés les envois de matériaux de construction dans les îles, pour que la fourmi de feu, qui continue malheureusement à gagner du terrain, ne soit pas transportée.

 

Les contrôles sur des produits non alimentaires permettent de prévenir certaines menaces comme le frelon asiatique.
Les contrôles sur des produits non alimentaires permettent de prévenir certaines menaces comme le frelon asiatique.

Chaque fois que quelqu’un veut envoyer des parpaings ou du bois de construction dans les îles, le passage par Motu Uta s’avère obligatoire : les goélettes de fret exigent qu’un certificat soit délivré par la biosécurité avant d’embarquer les matériaux.


Dans le cas du bois d’importation, il est obligatoire d’effectuer le traitement au départ, sauf pour les pays qui ne font pas de traitement (assez rare). Les principaux pays exportateurs sont les États-Unis et la Nouvelle-Zélande pour le bois de construction, l’Afrique et l’Asie du Sud-Est pour les bois plus précieux (meubles, decks).




Pourquoi la Polynésie française n’a-t-elle pas de rayons X, notamment pour scanner tous les bagages à l’arrivée, comme c’est le cas en Nouvelle-Zélande ?

 

Inspection de biosécurité de la cargaison d'un avion international à l'aéroport de Tahiti-Faa'a.
Inspection de biosécurité de la cargaison d'un avion international à l'aéroport de Tahiti-Faa'a.

Elle en fut équipée au lendemain du Centre d’expérimentation nucléaire (CEP), qui avait fait don de son appareil à rayons X, utilisé entre autres pour le transport intérieur. Le manque de place à l’aéroport de Tahiti Faa’a avait remis en cause cet usage. Un équipement en rayons X fait partie du futur cahier des charges d’aménagement de la zone aéroportuaire, internationale, comme au niveau aérien local. Les gens des îles sont en grande majorité soucieux de protéger leurs îles, ils se montrent donc prudents. Sensibiliser les touristes et pouvoir vérifier leurs bagages est l’une des priorités identifiées par la Direction de la biosécurité.






Les îles polynésiennes sont-elles totalement exemptes de peste ?

Les Marquises sont exemptes de beaucoup de choses. Toutefois, la tristeza a été importée. Il s’agit d’un virus qui attaque des agrumes. Avec la Direction de l’agriculture, un plan d’éradication a été mis en place. Il ne reste plus qu’une petite zone concernée sur une seule île, et le virus est en voie d’extinction. Mais cela a signifié couper des arbres et les brûler. Il n’y a pas d’autre solution contre les virus et les bactéries. Seuls les champignons, les insectes et les acariens peuvent être traités. D’où l’importance d’être vigilant sur tout ce qui est transporté.


[1] Un déménagement est prévu, pour centraliser à la fois le zoosanitaire et le phytosanitaire.


Brigade cynophile en action à l'aéroport Tahiti Faaa.
Brigade cynophile en action à l'aéroport Tahiti Faaa.

Comment savoir si les aliments que je rapporte de voyage risquent d’être confisqués à l’arrivée sur le territoire ?

Tout est indiqué sur le site Internet de la biosécurité, néanmoins la provenance de produits d’origine animale est importante. Prenons l’exemple des volailles ou du foie gras. En France, les autorités sont capables de suivre les élevages au niveau départemental. La biosécurité sait donc si tel foie gras est issu d’un département exempt de grippe aviaire ou pas. Mais si votre foie gras vient d’un marché artisanal, sans mention de provenance, alors qu’il y a une menace de grippe aviaire : il ne pourra pas être introduit sur le territoire.


Opération de désinfection ou de désectisation réalisée sur des marchandises ou contenants (palettes, caisses, matériaux en bois etc.) pour qu'ils soient conformes aux normes phytosanitaires.
Opération de désinfection ou de désectisation réalisée sur des marchandises ou contenants (palettes, caisses, matériaux en bois etc.) pour qu'ils soient conformes aux normes phytosanitaires.

Attention : vous ne pouvez pas arriver en avion, vous présenter au bureau phytosanitaire de l’aéroport et vouloir rentrer sur le territoire avec telles graines, tels fruits ou telle plante. Il faut une autorisation préalable pour tout ce qui concerne les produits végétaux vivants. Cependant, si toutes les autorisations ont été demandées en amont et que votre certificat s’avère conforme, le produit rentrera sans problème.


Les agents de la biosécurité sont à même de vous renseigner. Le directeur Yves Laugrost l’a redit lors de notre entretien : « Nous invitons vraiment les particuliers et les entreprises à nous appeler, à nous poser toutes les questions qu’ils souhaitent, pour importer des produits, mais aussi pour en emporter lors de leurs voyages. Car cela peut être complexe, notamment aux États-Unis avec les lois fédérales, valables par État. »

Il reste possible que votre produit soit saisi. Dans ce cas, un certificat de saisie doit vous être délivré et comporter les motifs de la saisie, partout dans le monde. Cela vous protège de saisies abusives, spécialement d’objets artisanaux. Il ne faudrait pas que la saisie ait eu lieu parce que l’objet plaisait au contrôleur, même si cela demeure rare.

Si, à l’aéroport ou en arrivant en bateau, lors du contrôle sanitaire, vous masquez des produits à déclarer (nourriture ou végétaux vivants), vous risquez une amende, la destruction des produits incriminés, voire une convocation au tribunal, car le dossier est automatiquement transmis au procureur. La protection du fenua est aussi à ce prix.


Traitement conteneurs et cales de navires en zone TCI (Tahiti Cargo Import) acronyme faisant référence aux opérations de biosécurité menées au port de Papeete, sur les navires de fret maritime international.
Traitement conteneurs et cales de navires en zone TCI (Tahiti Cargo Import) acronyme faisant référence aux opérations de biosécurité menées au port de Papeete, sur les navires de fret maritime international.

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