Depuis 2021, la Chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire encourage la population à s’alimenter sainement et de manière durable. L’édition du manuel du potager polynésien « Mon fa’a’apu» était une première étape. En 2022, lors de la foire agricole et le Matete fenua de Raiatea, un « kit potager solidaire » a été dévoilé. Depuis, 108 familles ont été équipées.
Ce kit est une solution clé en main pour produire ses propres fruits et légumes. Il est aussi un bon moyen de sensibilisation car nous allons directement chez les gens pour les présenter.
La crise sanitaire et le contexte géopolitique ont mis en évidence l’importance pour la population polynésienne de revenir vers la terre, en particulier pour les foyers en difficultés financières.
En effet, 70 % environ des produits consommés par la population locale sont issus de l’importation ; la précarité alimentaire touche près d’un quart de la population. Sans autoconsommation, c’est plus de 50% de la population qui n’a pas accès à une alimentation saine (25% en tenant compte de l’autoconsommation).
Nourrir sainement la population avec les produits locaux est un objectif du territoire. Pour offrir une alternative et un accès certain à des fruits et légumes frais locaux la Chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL) s’est lancée dans l’accompagnerment de création de potagers bio au sein des familles polynésiennes. L’édition du manuel du potager polynésien « Mon fa’a’apu » était une première étape. Il est un outil pour permettre l’accessibilité des techniques agricoles et donner des informations utiles et pratiques aux familles qui souhaitent se lancer dans la création d’un fa’a’apu.
Mais il est vite apparu que les familles les moins aisées peinaient à acquérir du matériel de base pour envisager le démarrage de leur potager. Aussi, un kit potager solidaire a vu le jour.
Il a été présenté pour la première fois en 2022, lors de la foire agricole et le Matete fenua de Raiatea. Raihono Haumani, agent à la CAPL se rappelle l’intérêt suscité dès cette date. « Ce kit est une solution clé en main pour produire ses propres fruits et légumes. Il est aussi un bon moyen de sensibilisation car nous allons directement chez les gens pour les présenter. »
Le kit potager s’étend sur environ 25 m2. Il est équipé d’une structure grillagée pour protéger des poules et des chiens et délimiter l’espace de travail. À l’intérieur, quatre zones de plantation de 4 m2 chacune sont installées. Elles sont sous forme de jardinières construites avec des planches en bois et remplies de compost. Sur le contour du potager, le grillage facilite le tuteurage des plants. Il y a également un petit équipement (brouette, râteau, arrosoir…), du substrat, du fertilisant (de l’engrais de poisson) et un stock de graines. La CAPL prévoit de fournir les semences au démarrage de chaque kit, mais libre à chaque bénéficiaire de planter ses fruits ou légumes préférés. À propos de ce kit, l’agent à la CAPL précise : « notre logique s’inscrit dans une conduite en agriculture biologique ».
La formation se déroule en deux jours. « D’abord nous présentons le projet, les acteurs et le montage du kit. Le lendemain nous nous intéressons plutôt aux techniques. » Raihono Haumani montre comment planter et semer des graines, puis comment fabriquer de l’engrais de poissons. Les référents communaux désignés spécialement pour l’opération et la CAPL se sont engagés à répondre aux suivis des familles bénéficiaires du kit.
COÛT
Pour les familles le kit potager ainsi que les formations et le manuel du potager polynésien sont gratuits. Mais cette opération a un coût. Le montant du kit est évalué à 290 000 Fcfp.
Cela comprend : la structure (grillage, cornières, fer tor, bois et polyane), le petit matériel divers (pelle, brouette, arrosoirs, râteau, poubelle...), le matériel pour fertiliser (engrais de poisson, EM, mélasse, fut et broyât de poissons), les semences, compost, terreau et savon noir.
Pour cette opération la CAPL travaille en partenariat avec la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité (DFSE) et les communes afin de localiser les familles bénéficiaires, d’identifier une famille témoin pour y réaliser des formations avec l’ensemble
des familles bénéficiaires, de planifier l’organisation de la mise en place des kits. Les kits sont ainsi implantés par commune avec les agents de la CAPL, les agents communaux les référents de la DSFE ainsi que les familles qui doivent participer et accompagner activement l’installation. Pour démarrer, 200 familles ont été identifiées selon leur situation, leur motivation et leur espace. «Nous avons contacté toutes les communes et décidé de travailler avec celles qui nous ont répondu.» Elles sont moins d’une dizaine : Arue, Mahina, la plupart de la Presqu’île, Faa’a, Moorea et Raiatea.
Une première phase, financée par la DFSE, a permis de tester le concept à grande échelle sur Tahiti, Moorea et Raiatea. L’installation des premiers kits a démarré par la commune d’Arue en février. Depuis 108 familles ont déjà été équipées. Désormais le programme se déploie.
Les premières visites de suivi ont eu lieu. Yannick Mao, référent de la commune d’Arue témoigne. Il est allé voir les 8 familles
bénéficiaires. Certaines ont abandonné pour des raisons personnelles. « Je suis là pour les remotiver », indique t-il. Pour celles qui continuent sérieusement, le résultat est là. « Cela leur apporte beaucoup. » Les 25 mètres carrés de fa’a’apu exploités à leur maximum nourrissent une famille de huit personnes en moyenne deux semaines par mois.
Ils récoltent des tomates, concombres, aubergines, de la salade et du pota. « Nous avons reçu de nouvelles demandes », rapporte Yannick Mao. La commune espère pouvoir y répondre au cours de l’année 2024.
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